Les collectivités ont l’obligation de mettre en place deux recueils internes de signalements. L’un a vocation à être tourné vers les ressources humaines avec sa compétence pour les actes de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel ou d’agissements sexistes, l’autre, d’une vocation plus générale, concerne tous les délits et les crimes. Cet article traitera de leur articulation pratique et s’interrogera sur la fonction qui leur est propre.
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Au sommaire de cet article...
Le dispositif de signalement est créé par l’article 80 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Cette loi est largement issue des discussions parlementaires (comptant initialement 36 articles, elle entre en vigueur avec 95 articles) et vise directement la gestion des ressources humaines de la fonction publique en s’inspirant du droit privé et en renforçant la déontologie des administrations. Cette même loi renforce les contrôles déontologiques étayant les compétences de la HATVP en matière de demandes de cumul d’activité, de création/reprise d’entreprises et de départ vers le privé.
Le référent alerte est plus ancien que le dispositif de signalement puisqu’issu de la Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (1) (dite Sapin II). C’est l’article 8 [1] de cette loi qui crée sa compétence en disposant :
« I. - Le signalement d’une alerte est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par celui-ci.En l’absence de diligences de la personne destinataire de l’alerte mentionnée au premier alinéa du présent I à vérifier, dans un délai raisonnable, la recevabilité du signalement, celui-ci est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels.En dernier ressort, à défaut de traitement par l’un des organismes mentionnés au deuxième alinéa du présent I dans un délai de trois mois, le signalement peut être rendu public ... »
La loi n°2022-401 du 21 mars 2022 est venue modifier cet article mais pas sa portée concernant le référent alerte, en considérant que :
« I.-A.-Les personnes physiques mentionnées aux 1° à 5° du présent A qui ont obtenu, dans le cadre de leurs activités professionnelles, des informations mentionnées au I de l’article 6 et portant sur des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l’entité concernée, peuvent signaler ces informations par la voie interne, dans les conditions prévues au B du présent I, notamment lorsqu’elles estiment qu’il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie et qu’elles ne s’exposent pas à un risque de représailles. …B.-Au sein des entités dans lesquelles il n’existe pas de procédure interne de recueil et de traitement des signalements, les personnes physiques mentionnées aux 1° à 5° [2] du A du présent I peuvent signaler les informations concernées à leur supérieur hiérarchique direct ou indirect, à l’employeur ou à un référent désigné par celui-ci ».
Dans la mise en place de ce référent, on peut lire plusieurs noms désignant la même personne en fonction de la mise en place. Les principaux sont “référent alerte” ou “référent alerte éthique”.Dans un souci de simplification, nous prendrons le terme de “référent alerte” pour la procédure de recueil interne de traitements des signalements issus de la loi n°2016-1691 sur la protection des lanceurs d’alerte ; et “dispositif de signalement” pour la procédure de recueil des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes dans la fonction publique.
La question sera de savoir si les compétences du dispositif de signalement et celles du référent alerte se complètent ou s’ils sont redondants.
Notre article vise tout en particulier le cas de la fonction publique territoriale à travers les compétences des centres de gestions.
1. Définition du champ de compétence des dispositifs de recueil des signalements : Deux mécanismes internes de gestion des signalements.
Il faut insister sur le fait qu’il s’agisse dans les deux cas de recueils de l’alerte internes à la structure, qui ont donc vocation à rester à l’échelle de la collectivité, et ce même si un prestataire extérieur est désigné, car le pouvoir de désignation et de révocation reste celui de l’autorité territoriale. Il ne faut donc pas confondre avec les dispositifs d’alerte externe pour lesquels sont nouvellement compétentes la Cour des Comptes ou le Défenseur Des Droits.
La lecture des textes ne permet pas de confirmer la culture répandue dans la fonction publique territoriale que le référent alerte doive se borner à n’être qu’un filtre entre l’alerteur et le procureur [3].L’article 8 de la loi Sapin, comme écrit initialement, disposait que c’est seulement :
« En l’absence de diligences de la personne destinataire de l’alerte mentionnée au premier alinéa du présent I à vérifier, dans un délai raisonnable, la recevabilité du signalement, celui-ci est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels ».
Et sa modification par la loi Waserman a donné : « notamment lorsqu’elles estiment qu’il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie et qu’elles ne s’exposent pas à un risque de représailles (…) », ce qui nous pousse bien à considérer le référent comme un intermédiaire entre le lanceur d’alerte et l’autorité territoriale. En effet, le référent alerte fait partie de la procédure interne de recueil et de traitement des signalements [4].
Cette possibilité d’agir en amont des autorités extérieures est disposée au III de l’article 4 du décret n°2022-1284 :
« III. - Lorsque les conditions prévues par l’article 6 et le A du I de l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016 susvisée sont respectées, l’entité assure le traitement du signalement.Elle peut, afin d’évaluer l’exactitude des allégations qui sont formulées, demander tout complément d’information à l’auteur du signalement.Lorsque les allégations lui paraissent avérées, l’entité met en œuvre les moyens à sa disposition pour remédier à l’objet du signalement.La procédure prévoit que l’entité communique par écrit à l’auteur du signalement, dans un délai raisonnable n’excédant pas trois mois à compter de l’accusé de réception du signalement ou, à défaut d’accusé de réception, trois mois à compter de l’expiration d’une période de sept jours ouvrés suivant le signalement, des informations sur les mesures envisagées ou prises pour évaluer l’exactitude des allégations et, le cas échéant, remédier à l’objet du signalement ainsi que sur les motifs de ces dernières.L’entité procède à la clôture du signalement lorsque les allégations sont inexactes ou infondées, ou lorsque le signalement est devenu sans objet. La procédure prévoit que l’auteur du signalement est informé par écrit de la clôture du dossier ».
La définition du lanceur d’alerte de la loi Sapin 2 modifié par l’article 1 de la loi Waserman nous permet d’apprécier le champ de compétences du référent :
« Art. 6.-I.-Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l’article 8, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance ».
Cette conception extrêmement générale de l’alerte peut créer un cumul avec le dispositif de signalement qui est compétent pour : “des agents qui s’estiment victimes d’atteintes volontaires à leur intégrité physique, d’un acte de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel, d’agissements sexistes, de menaces ou de tout autre acte d’intimidation”, donc des agents potentiellement en présence d’un délit ou d’un crime. En effet, le code pénal définit comme des crimes ou des délits les actes précédemment mentionnés [5], et cette qualification rend pleinement compétent le référent alerte. On peut néanmoins souligner le fait que la définition des compétences du dispositif de signalement s’oriente sur les atteintes volontaires et non involontaires, mais que le fait qu’il se base sur le ressenti de la victime ne permet pas d’affirmer le caractère volontaire ou non du délit ou de crime de l’auteur des faits.On peut noter cependant une chose intéressante dans la tournure de phrase du décret résident dans la notion de “s’estiment victimes” qui renvoie à l’incompétence de la qualification juridique des faits par le dispositif de signalement.
Relevant les compétences du référent alerte, la loi Waserman crée aussi le statut de “facilitateur”, qui est définit comme suit dans l’article 2 :
“1° Facilitateurs, entendus comme toute personne physique ou toute personne morale de droit privé à but non lucratif qui aide un lanceur d’alerte à effectuer un signalement ou une divulgation dans le respect des articles 6 et 8 ;”
Le terme de “facilitateur” peut faire référence aux témoins dans le cadre du signalement, qui prévoit aussi la mise en place de mesure de protection [6].
Un point intéressant à souligner dès à présent est le fait que le référent alerte est obligatoire pour les personnes morales de droit public (sous critères exposés dans la partie 4 de l’article), ainsi que pour les personnes morales de droit privé, contrairement au dispositif de signalement, propre à la fonction publique. On peut aussi ajouter que l’article 8 du décret 2022-1284 dispose que le Référent Alerte peut être une personne physique ou morale.
2. Procédure de recueil des signalements.
Quelle méthodologie est employée par les membres des unités de recueil des signalements et y a-t-il une différence de traitement avec celle du référent alerte ?
Les modalités de recueil se situent dans le décret 2022-1289 pour le référent alerte et le décret 2020-256 pour le dispositif de signalement. Dans les deux cas, la procédure n’est pas prévue dans les décrets d’applications et seules des contraintes générales / lignes directrices sont données.Pour le référent alerte, l’article 4 dispose que le signalement peut être écrit ou oral selon ce que prévoit la procédure, en ouvrant la possibilité de la voie orale, dans le cadre d’un rendez-vous téléphonique ou en présentiel. Le délai pour cet entretien est fixé à 20 jours ouvrés maximum, et à encore 7 jours ouvrés pour informer par écrit la réception du signalement. Le dispositif de signalement doit informer sans délai l’auteur du signalement de la réception de ce dernier [7].
Les canaux du référent alerte et du dispositif de signalement doivent permettre la transmission de tout élément indépendamment de sa forme ou de son support [8].
Les deux procédures de recueil relevant de la procédure interne et les décrets ne posant que les principes généraux exposés ci-dessus, elles n’entrent en vigueur qu’après leur passage devant les instances de dialogue social.
3. La finalité des deux dispositifs.
Les deux dispositifs présentent deux finalités distinctes. La notion d’ “orientation” des agents est au cœur du dispositif de signalement. Le dispositif est créé et fait pour le bien-être des agents victimes et pour les protéger. La mise en place du référent alerte suit, en revanche, une autre finalité, à savoir qu’en protégeant l’anonymat du lanceur d’alerte les alertes pourront être recueillies et que l’autorité territoriale pourra y remédier avant que l’image de l’administration ne soit écornée par un scandale. Le dispositif de signalement, dans sa mission de protection des agents, s’organise en trois phases selon les modalités de l’article 1 du décret [9]2020-256 : le recueil des signalements de la victime ou des témoins ; l’orientation de la victime vers des professionnels compétents pour leur accompagnement et leur soutien ; l’orientation des victimes ou des témoins vers les autorités compétentes en matière de protection fonctionnelle et d’enquête administrative. L’orientation de la victime vers les professionnels compétents est très importante puisque cela retourne au fondement de la mission du dispositif de signalement, l’orientation pour le soutien de l’agent victime. Ce soutien peut prendre la forme d’une aide juridique ou psychologique. Avant même d’adresser la victime vers ces professionnels, le dispositif de signalement est régulièrement composé de juristes et de psychologues. L’un des points qu’il est néanmoins nécessaire de souligner est la perte de l’anonymat si l’orientation du dispositif de signalement vers des juristes conduit à l’ouverture d’une procédure juridictionnelle. En effet, l’agent victime est en droit de saisir la juridiction compétente en parallèle à l’enquête administrative en cours. Dans le même cas, si l’alerte du lanceur d’alerte doit sortir de la procédure de recueil des alertes internes, avec notamment la saisine du procureur par le référent alerte, l’anonymat du lanceur d’alerte ne saurait être garanti.
Quant aux moyens d’actions potentiels à mettre en place par le référent alerte, ils restent flous, le décret ne mentionnant dans son article 4 que « lorsque les allégations lui paraissent avérées, l’entité met en œuvre les moyens à sa disposition pour remédier à l’objet du signalement. » Ce manque de clarté vis-à-vis des moyens qu’il est possible de mettre en œuvre laisse une très grande marge d’appréciation quant à ses compétences.
En outre, dans certains CDG, le référent alerte est aussi à la tête du dispositif de signalement : cela peut-il créer un problème ? Il apparaît que non, au vu des moyens de mise en place et aux objets similaires de ces dispositifs. Cependant, la question peut être problématique lorsque le référent déontologue, chargé d’apporter tout conseil utile pour le respect des principes de déontologie, est aussi nommé, comme souvent, référent alerte. En plus de créer un potentiel conflit d’intérêt, cela nous questionne sur la mise en place de cette double casquette par la fusion d’une compétence obligatoire et facultative des centres de gestions.
La protection des lanceurs d’alerte fait intégralement partie de la loi créant le référent alerte, mais il faut souligner qu’elle ne dépend pas de ce dernier, qui n’est que le garant de l’anonymat du lanceur et de la transmission du dossier, et que ce principe est souvent mis à mal (l’autorité hiérarchique réussit la plupart du temps à savoir qui est le lanceur). Cette notion tient plus du respect d’une procédure de l’alerte dans laquelle le référent alerte ou l’autorité hiérarchique n’est même plus impérativement dans la procédure.
4. Mise en place dans la fonction publique territoriale.
Le dispositif de signalement et le référent alerte sont souvent mis en place par des conventions entre les centres de gestion et les collectivités qui le souhaitent, mais peuvent aussi être prévus directement par l’autorité territoriale en interne de la collectivité. Ce point est très important car dans son pouvoir de désignation du référent alerte et du dispositif de signalement, le supérieur hiérarchique peut externaliser le service à une société spécialisée, comme le CDG 69 en a fait le choix [10]. Le fait que le service soit externalisé ne veut pas dire que le moyen de gestion n’est pas interne (pour notre exemple le CDG reste pilote), mais simplement que l’objectivité du dispositif est garantie aux yeux des agents. En effet, les moyens externes sont visés au chapitre 2 du décret n°2022-1284.
Deux compétences facultatives, avec réserve
Le dispositif de signalement est une compétence facultative des centres de gestion, tout comme le référent alerte. Cependant, leur mise en place semble avoir un caractère contraignant différent. L’article L452-43 du CGFP [11] dispose ainsi pour la mise en place du dispositif de signalement que :
« Sur demande des collectivités et établissements mentionnés à l’article L452-1, situés dans leur ressort territorial, les centres de gestion mettent en place le dispositif de signalement prévu à la section 2 du chapitre V du titre III du livre Ier ayant pour objet de recueillir les signalements des agents qui s’estiment victimes d’un acte de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel ou d’agissements sexistes ».
En revanche, l’article L452-43-1 prévoit la mise en place du référent alerte par les Cdg dans les conditions suivantes :
« Les centres de gestion peuvent mettre en place, pour le compte des communes et de leurs établissements publics qui en font la demande, la procédure de recueil et de traitement des signalements prévue au deuxième alinéa du B du I de l’article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ».
Ce que nous remarquons dans la tournure de la rédaction de ces deux articles, c’est que les Cdg sont obligés de proposer à leurs collectivités membres des conventions d’adhésion au service du dispositif de signalement, alors que la procédure de recueil des signalements en la personne du référent alerte, n’est qu’une compétence facultative qui offre la liberté de proposition.
Cette différence de proposition du service peut émaner de la condition de mise en place du service, qui est différente.
Le dispositif de signalement est obligatoirement mis en place dans toutes les collectivités [12], alors que le référent alerte suit des modalités de mise en place dépendant du nombre d’agents et d’habitants.Il est obligatoire pour :
les personnes morales de droit public employant plus de 50 agents,
les Communes de plus de 10 000 habitants,
les Départements et les Régions avec leurs établissements publics relatifs,
les Établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins une commune de plus de 10 000 habitants.
Le seuil des 50 agents veut-il dire que le référent alerte pourrait reprendre la compétence du dispositif de signalement lorsqu’il est franchi ?
On peut aussi faire le parallèle avec la loi du 20 avril 2016 qui pose le principe que les agents publics peuvent consulter un référent déontologue, chargé d’apporter tout conseil utile au respect des obligations et des principes déontologiques mentionnés par le statut général.
Cette loi s’est transformée par l’ordonnance n°2021-1574 par l’article 214-2 du code Général de la fonction publique. Le référent déontologue est donc compétent pour apporter tout conseil utile au respect des obligations, le dispositif de signalement est là pour accompagner une victime… mais s’il y a victime au sein de l’administration, il y a non-respect de la déontologie.
De plus, une ambiguïté subsiste avec le II de l’article 5 du Décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte dispose que :
« Dans les organismes mentionnés aux articles L. 3 à L. 5 du code général de la fonction publique, le référent déontologue mentionné à l’article L124-2 du même code peut être chargé du recueil et, le cas échéant, du traitement des signalements ».
On remarque donc que les missions de référent alerte peuvent donc être prises en charge par le référent déontologue, qui est une compétence obligatoire des centres de gestion. Un doute demeure donc dans la fusion vis-à-vis de la facturation qui peut en découler. En effet, le référent déontologue étant une compétence obligatoire, cette dernière est prise en charge par la cotisation obligatoire que les collectivités affiliées versent au CDG.
De surcroît, les deux dispositifs (signalement et alerte) sont liés aux droits et obligations des agents publics et à la déontologie, mais le décret n°2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n°2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte va au-delà d’un simple lien en disposant dans son article 5 que le référent déontologue peut être chargé du recueil et du traitement des signalements [13].
Au niveau du coût du service du dispositif de signalement, on remarque une différence de facturation mise en place par les centres de gestion, certains avec une approche forfaitaire dépendante du nombre d’agents, d’autres facturant le service au dossier.A titre de comparaison :
le CDG 40 a décidé de mettre en place un référent alerte et un référent signalement (dispositif de signalement) gratuitement [14] [15] ;
le CDG 14 facture le service du dispositif de signalement à 335 € par signalement et ne semble pas proposer la mission de référent alerte [16] ;
le CDG 31 propose les compétences de référent déontologue et laïcité et alerte, via un forfait de 5€ par agent de la collectivité par an à quoi s’ajoute une facture de 125 à 250 € par dossier traité par le référent alerte en fonction de sa complexité [17].
Pour le dispositif de signalement, la mission est réalisée au titre de l’affiliation ou l’adhésion pendant un an pour les collectivités affiliées et adhérentes, et est basé sur un forfait de 10 € par agent par an avec une facturation de 250 à 500€ en fonction de la complexité du dossier pour les autres collectivités [18].
On voit avec ces trois exemples qu’il existe une grande hétérogénéité dans la proposition faite aux collectivités par les Cdg.
5. Ni concordance, ni redondance, mais cohérence et interdépendance des compétences ?
Le dispositif de signalement, par sa mission d’orientation vers l’autorité compétente, peut orienter l’agent victime vers le référent alerte, les faits résultant du dispositif de signalement étant tous au moins délictuels.
De plus, concernant la protection des lanceurs d’alerte, la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 modifiée par la loi Waserman dispose dans son article 10-1 que :
« Dans les mêmes conditions, les personnes autres que celles mentionnées au premier alinéa du présent II ne peuvent faire l’objet de mesures de représailles, ni de menaces ou de tentatives de recourir à ces mesures, notamment sous les formes suivantes :1° Suspension, mise à pied, licenciement ou mesures équivalentes ; 2° Rétrogradation ou refus de promotion ; 3° Transfert de fonctions, changement de lieu de travail, réduction de salaire, modification des horaires de travail ; 4° Suspension de la formation ; 5° Evaluation de performance ou attestation de travail négative ; 6° Mesures disciplinaires imposées ou administrées, réprimande ou autre sanction, y compris une sanction financière ; 7° Coercition, intimidation, harcèlement ou ostracisme ; 8° Discrimination, traitement désavantageux ou injuste ; 9° Non-conversion d’un contrat de travail à durée déterminée ou d’un contrat temporaire en un contrat permanent, lorsque le travailleur pouvait légitimement espérer se voir offrir un emploi permanent ; 10° Non-renouvellement ou résiliation anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée ou d’un contrat temporaire ; 11° Préjudice, y compris les atteintes à la réputation de la personne, en particulier sur un service de communication au public en ligne, ou pertes financières, y compris la perte d’activité et la perte de revenu ; 12° Mise sur liste noire sur la base d’un accord formel ou informel à l’échelle sectorielle ou de la branche d’activité, pouvant impliquer que la personne ne trouvera pas d’emploi à l’avenir dans le secteur ou la branche d’activité ; 13° Résiliation anticipée ou annulation d’un contrat pour des biens ou des services ; 14° Annulation d’une licence ou d’un permis ; 15° Orientation abusive vers un traitement psychiatrique ou médical.Tout acte ou décision pris en méconnaissance du présent II est nul de plein droit ».
Les 15 points explicitement indiqués dans cet article peuvent tous être résumés en les termes de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel et des agissements sexistes pour lesquels le dispositif de signalement est compétent [19].
On voit donc qu’en fonction des cas, le dispositif de signalement saisit en premier pourra orienter la victime vers le référent alerte, et qu’il est aussi possible qu’un alerteur soit amené à saisir le dispositif de signalement.
Cette affirmation peut nous pousser à la réflexion quant au besoin de fusion de ces deux dispositifs, étant redondant pour une partie de leur objet de saisine, dans l’après saisine, et dans l’utilité de privilégier le canal de saisine interne qui a été largement sacrifié par la loi Waserman au profit des canaux externes.
Pour conclure, on montre que les finalités des recueils peuvent être différentes, ou pas en fonction de leur mise en place, mais que dans tous les cas cela reste lacunaire. Il faut simplifier et au vu des compétences proches, un avantage semble à tirer de leur fusion, pour ne garder qu’un canal interne puisque la finalité privilégiée de ces canaux est le volet disciplinaire. Et finalement, on pourrait se demander si ça ne deviendrait pas l’unique avantage pour un agent de continuer à lancer des alertes par la procédure de recueil interne (au lieu de passer par l’externe), à savoir : les compétences du dispositif de signalement pour l’orientation, l’accompagnement, le soutien et l’orientation vers les autorités compétentes en matière de protection fonctionnelle et d’enquête administrative. Dans la même philosophie du guichet unique, de n’avoir qu’un seul tiers de confiance compétent pour toutes ces problématiques et sur toute la durée de leur résolution.
En effet, le dispositif de signalement s’insère dans la continuité du dispositif d’alerte interne en répondant mieux que le référent alerte en matière de protection des lanceurs d’alertes. Ainsi, on est en droit de se demander s’ il n’y a pas une nécessité de concilier les deux dispositifs, et si le dispositif de signalement peut revêtir, par sa mission d’orientation et au regard de la loi Waserman, la qualification de “facilitateur".
Certaines questions restent actuellement en suspens, à savoir si une décharge de l’article 40 du code de procédure pénal [20] pour les membres du dispositif de signalement et pour le référent alerte est permise.
L’application de cet article enlèverait toute l’utilité de ces dispositifs… Cette question actuellement sans réponse est une lacune excusable pour la mise en place du référent alerte, qui est issu de dispositions anticorruption applicables en priorité pour la sphère des entreprises privées ; ce qui n’est pas le cas pour le dispositif de signalement.
[1] Version initiale de la loi Sapin II.
[2] 1° Aux membres du personnel, aux personnes dont la relation de travail s’est terminée, lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de cette relation, et aux personnes qui se sont portées candidates à un emploi au sein de l’entité concernée, lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de cette candidature ;2° Aux actionnaires, aux associés et aux titulaires de droits de vote au sein de l’assemblée générale de l’entité ;3° Aux membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance ;4° Aux collaborateurs extérieurs et occasionnels ;5° Aux cocontractants de l’entité concernée, à leurs sous-traitants ou, lorsqu’il s’agit de personnes morales, aux membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de ces cocontractants et sous-traitants ainsi qu’aux membres de leur personnel.
[3] La saisine du procureur reste néanmoins toujours possible puisque aucun régime d’exemption issu des sources légales du référent alerte, et du dispositif de signalement, n’est prévue, ce qui a pour conséquence l’application de l’article 40 du code de procédure pénal.
[4] Ses compétences sont disposées dans le Chapitre 1 du décret sur les “procédures internes de recueil et de traitement des signalements”.
[5] Chapitre II : Des atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne (Articles 222-1 à 222-67).
[6] Article 3 IV. du décret 2020-256 du 13 mars 2020 relatif au dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes dans la fonction publique.
[7] Article 3 du décret 2020-256 du 13 mars 2020 relatif au dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes dans la fonction publique.
[8] Article 4 du décret 2022-1284 pour le référent alerte et article 3, 2° du décret 2020-256 pour le dispositif de signalement.
[9] Article 1 du Décret 2020-256 du 13 mars 2020 relatif au dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes dans la fonction publiqueLe dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel et des agissements sexistes prévu par l’article 6 quater A de la loi du 13 juillet 1983 susvisée comporte :1° Une procédure de recueil des signalements effectués par les agents s’estimant victimes ou témoins de tels actes ou agissements ;2° Une procédure d’orientation des agents s’estimant victimes de tels actes ou agissements vers les services et professionnels compétents chargés de leur accompagnement et de leur soutien ;3° Une procédure d’orientation des agents s’estimant victimes ou témoins de tels actes ou agissements vers les autorités compétentes pour prendre toute mesure de protection fonctionnelle appropriée et assurer le traitement des faits signalés, notamment par la réalisation d’une enquête administrative.
[11] Ajout de la loi Waserman dans son article 3.
[12] Article 8 du décret Décret n° 2020-256 du 13 mars 2020.Les administrations, collectivités territoriales ou établissements publics relevant de l’article 2 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée mettent en place le dispositif de signalement régi par le présent décret au plus tard le 1er mai 2020.
[13] « Dans les organismes mentionnés aux articles L. 3 à L. 5 du code général de la fonction publique, le référent déontologue mentionné à l’article L. 124-2 du même code peut être chargé du recueil et, le cas échéant, du traitement des signalements ».
[14] https://cdg40.fr/actualites.php?num=660 / délibération du Conseil d’Administration en date du 17 novembre 2020.
[15] La délibération du conseil d’administration du centre de gestion des Landes en date du 30 juin 2021 relatif à la mise en place d’un conventionnement avec les collectivités affiliées ou non affiliées sur le dispositif de signalement visé par le décret 2020-256 du 13/03/2020.
[16] Délibération n°2021/021 en date du 7 juillet 2021 du conseil d’administration du Centre de Gestion du Calvados déterminant les tarifs de la mission optionnelle mutualisée « référent signalement ».
[17] Délibération n°2019-31 du conseil d’administration du CDG 31.
[19] Article 1 du Décret n° 2020-256 du 13 mars 2020 relatif au dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes dans la fonction publique.
[20] Qui impose pour toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire, dans l’exercice de leurs fonctions », de signaler des crimes ou délits dont il a connaissance.
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