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- Demande de CITIS pour burnout et évaluation de la responsabilité personnelle de l’épuisement professionnel.
En sachant que le critère d’exclusion de la reconnaissance de la maladie professionnelle repose sur le fait personnel de l’agent, et qu’il n’y a pas de maladie plus personnelle et dépendante des individus que l’épuisement professionnel, nous allons nous intéresser aux moyens de reconnaissance de cette maladie et aux critères de son imputabilité au service. - Au sommaire de cet article... Introduction : Rappel sur les conditions d’octroi d’un CITIS. I. La reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle. A) Procédure de reconnaissance des maladies professionnelles dans la Fonction Publique Territoriale et de son imputabilité au service, attention aux régularisations de situations. B) La reconnaissance du burnout comme maladie professionnelle. II. Le facteur intuitu personae . A) La prise en compte du comportement des agents. B) La prise en compte du pouvoir managérial des agents. Introduction : Rappel sur les conditions d’octroi d’un CITIS. Le Congé pour Invalidité Temporaire Imputable au Service (CITIS) est un droit accordé au fonctionnaire en activité en cas d’accident de service, d’accident de trajet ou d’une maladie professionnelle. Le CITIS est le régime unique sous lequel est placé le fonctionnaire pendant la durée de l’arrêt de travail consécutif à un accident de service ou suite à un accident de trajet ou une maladie contractée en service. Le point qui nous intéresse dans cet article qui traite de l’épuisement professionnel (ou burn-out), est celui de la maladie contractée en service. Le premier point important à souligner est le critère qui fait sortir du champ de prétention au CITIS les agents contractuels, mais aussi les agents en disponibilité et plus surprenant les fonctionnaires en fonctions affiliés à l’IRCANTEC [ 1 ]. Un autre point qu’il faut souligner est que le CITIS est accordé ou non par l’autorité territoriale qui reconnaît l’imputabilité, donc le lien entre la maladie (ou l’accident) et le service (sous réserve d’un formalisme qui sera exposé plus en détail dans le corps de l’article) et qu’il peut placer le fonctionnaire provisoirement en CITIS dans certains cas qui seront aussi exposés. Le placement en CITIS provisoire peut néanmoins permettre à l’administration employeuse un délai supplémentaire. Il faut par ailleurs savoir que les employeurs, collectivités locales comprises, ont des obligations en matière de santé et de sécurité au travail [ 2 ]. Ainsi, il apparaît qu’il appartient à l’employeur de veiller à la santé physique et mentale des agents sous sa responsabilité. Il est intéressant d’évoquer qu’il s’agit d’une obligation de résultat. En sachant que le critère d’exclusion de la reconnaissance de la maladie professionnelle repose sur le fait personnel de l’agent, et qu’il n’y a pas de maladie plus personnelle et dépendante des individus que l’épuisement professionnel, nous allons nous intéresser aux moyens de reconnaissance de cette maladie et aux critères de son imputabilité au service. I. La reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle. Si un doute subsistait entre le caractère de maladie ou d’accident de l’épuisement professionnel, un récent arrêt du Conseil d’Etat [ 3 ] nous permet de clarifier la position retenue par les juges. En effet, il est question de ne pas confondre l’accident en lui-même et la pathologie qui peut en découler. La Cour d’appel de Nantes avait alors soutenu, a tort, une agente qui demandait la reconnaissance d’un accident de service à sa collectivité à la suite d’un entretien avec son supérieur hiérarchique. Il en ressort deux points particulièrement intéressant, notamment dans le 3ᵉ considérant de cet arrêt, que : « Constitue un accident de service, pour l’application des dispositions citées au point 2, un événement survenu à une date certaine, par le fait ou à l’occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci. Sauf à ce qu’il soit établi qu’il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, quels que soient les effets qu’il a pu produire sur l’agent ». Apparait alors que la condition de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique soit l’approche à retenir pour différencier l’accident de la maladie. Un second élément reste cependant à prendre compte, qui se trouve dans le 4ᵉ considérant qui approche la véritable problématique : « il n’est pas établi qu’il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique [...] Il s’ensuit qu’en statuant sur la question de la reconnaissance de l’imputabilité au service d’une pathologie, et non sur la question de la reconnaissance de l’imputabilité au service de l’accident survenu le 26 septembre 2016 dont elle était saisie, la cour administrative d’appel a méconnu les termes du litige ». On constate donc l’importance de la distinction qui survient devant les juges entre maladie et accident. L’accident aurait néanmoins pu être retenu dans le cas d’un comportement ou de propos tenus par le supérieur hiérarchique excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique. Ainsi, on retient que l’accident se caractérise par un événement soudain et violent, alors que l’épuisement professionnel est plus susceptible de se manifester par une succession d’événements [ 4 ]. L’enjeu pour un fonctionnaire de réussir à faire reconnaître un CITIS est crucial, qu’il soit dû à un accident ou à une maladie professionnelle, puisque cela lui permet de conserver l’intégralité de son traitement [ 5 ] (et ce jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à la mise à la retraite). Nous voyons donc déjà la plus-value par rapport aux Congés Maladie Ordinaires/Congés Longue Maladie. Au sujet des primes relatives au RIFSEEP (IFSE et CIA), le régime indemnitaire de l’agent placé en CITIS sera maintenu si la délibération de mise en place le prévoit explicitement. L’agent ne pourra pas dans le cas contraire. L’agent conserve aussi ses avantages familiaux (le SFT) et son indemnité de résidence [ 6 ]. De plus, sa reconnaissance permet la prise en charge par la collectivité et donc le remboursement des honoraires et autres frais médicaux. A) Procédure de reconnaissance des maladies professionnelles dans la Fonction Publique Territoriale et de son imputabilité au service, attention aux régularisations de situations. La question de la reconnaissance de l’imputabilité de la maladie au service est le critère sine qua non d’un CITIS. Il existe une présomption d’imputabilité lorsque la maladie contractée par le fonctionnaire est désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnées aux articles L461-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, et contractée dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions dans les conditions mentionnées dans ces tableaux afin de faciliter la démarche de reconnaissance pour les fonctionnaires qui demandent la reconnaissance du CITIS [ 7 ]. Cette présomption permet de retourner la charge de la preuve, et cela permettra donc à l’administration de prouver que la maladie n’a pas de lien avec les fonctions qu’a occupées l’agent. Néanmoins l’épuisement professionnel ou burn out ne faisant pas partie de ce tableau, la charge de la preuve repose sur l’agent. Pour rappel, le fonctionnaire qui souhaite faire reconnaître le CITIS doit adresser une déclaration d’accident ou de maladie professionnelle composée : d’un formulaire de déclaration précisant les circonstances de l’accident ou de la maladie. (Il devra faire la demande à sa collectivité employeuse qui aura 48 heures pour lui transmettre) ; d’un certificat initial établi par le médecin précisant la nature et le siège des lésions, ainsi que le cas échéant, la durée probable de l’incapacité de travail ; les éléments en sa possession permettant d’établir la matérialité des faits. Dans le cadre de la demande de CITIS pour une maladie professionnelle, la déclaration doit être faite dans les 2 ans suivant la date de constatation ; en général pour les cas d’épuisement professionnel, elle est à lieu à la suite de l’inaptitude au travail de l’agent. Suite à la demande formalisée, l’employeur public à plusieurs options, il peut : diligenter une enquête administrative visant à établir la matérialité des faits et les circonstances ayant conduit à la survenance de l’accident ou de la maladie ; faire procéder à une expertise auprès d’un médecin agréé notamment si la maladie n’est pas mentionnée dans le tableau des maladies (comme c’est le cas pour le burnout). Un problème d’ordre déontologique apparait alors, puisque la collectivité est nécessairement en position de conflit d’intérêts et son l’objectivité peut facilement être mise en doute puisque la procédure nécessite qu’elle reconnaisse un manquement à son l’obligation de prévention des risques professionnels. Ce manquement, et les interférences dans sa reconnaissance par la collectivité sont d’autant plus inquiétants qu’une étude démontre que seulement 33% des collectivités territoriales ont mis en place le DUERP [ 8 ]. Elle devrait être amenée à reconnaître qu’elle aurait failli à son obligation de résultat en matière de santé au travail des agents sous la responsabilité de la collectivité, et ainsi en subir les conséquences ; d’où certaines réticences qui peuvent apparaitre à l’attribution du CITIS ou d’où le recours aux enquêtes administratives [ 9 ]. Ce conflit d’intérêts peut être atténué du fait que les collectivités peuvent s’assurer pour se prémunir contre le cout financier que la reconnaissance du CITIS mais il serait intéressant d’avoir des statistiques pour savoir si le caractère de la responsabilité financière du CITIS donne plus de souplesse à la collectivité pour le reconnaître comme imputable au service. Nous rappelons néanmoins, le burn-out n’étant pas dans le tableau, l’autorité territoriale a l’obligation de saisir la commission de réforme pour pouvoir refuser de reconnaitre l’imputabilité de la maladie. Cette commission est chargée de fournir un avis consultatif, qui, de ce fait, ne lie pas l’autorité territoriale [ 10 ]. La jurisprudence [ 11 ] indique même que son avis n’est qu’un élément de la procédure qui aboutit à la décision de l’autorité territoriale. En lui-même, il ne fait donc pas « grief » et il ne peut pas faire l’objet d’un recours devant le juge. En termes de délai, l’administration a 2 mois à compter de la réception de la déclaration et, le cas échéant, des résultats des examens complémentaires prescrits aux tableaux des MP. Elle peut néanmoins avoir un délai supplémentaire de 3 mois si elle ouvre une enquête administrative (pour les maladies non désignées au tableau, comme c’est le cas), si elle demande une expertise auprès d’un médecin agréé ou si elle saisit la commission de réforme. Comme nous le rappelons, la collectivité à l’obligation de saisir la commission de réforme dans le cadre de l’épuisement professionnel, elle a donc 5 mois pour se prononcer sur la reconnaissance du CITIS ou la non imputabilité de la maladie contractée aux fonctions exercées par l’agent. Ces délais sont inadaptés puisqu’il est même réglementairement “prévu” que l’administration ne les respecte pas. En effet, cela se voit par la situation de l’agent demandeur du CITIS qui est placé en congé de maladie ordinaire le temps de l’instruction et en CITIS provisoire au terme des délais. Pour reprendre l’arrêt du CE pris en exemple pour faire la distinction entre la maladie professionnelle et l’accident de service [ 12 ], la demande de la reconnaissance de l’imputabilité au service d’un accident porte sur un accident du 26 septembre 2016, une demande de reconnaissance par l’agente de l’accident, le 10 octobre 2016, la commission de réforme a donné son avis le 6 avril. Aucune décision n’a été prise jusqu’à ce que la collectivité ne demande un second avis le 20 septembre 2017, pour enfin recevoir un avis négatif par arrêté du 23 octobre 2017. On constate donc que la collectivité a mis plus d’un an pour traiter la demande. La conception du CITIS provisoire semble bonne de prime abord, puisqu’un agent placé en CITIS provisoire est en droit de penser que les délais supplémentaires résident d’un doute qui lui profitera. En effet, le CITIS provisoire ouvre droit pour l’agent au versement de son plein traitement et au remboursement de ses frais médicaux, le temps que son administration prenne sa décision, ce placement peut être source de nombreux problèmes sans que l’agent ne puisse rien y faire.Il faut souligner que les enquêtes administratives peuvent prendre du temps, en effet, un rapport de 2021 de l’IGESR [ 13 ] mentionne : « En pratique, une mission d’inspection durera rarement moins de six à huit semaines ». Pour le cas de la Fonction Publique Territoriale, le délai se compte souvent en mois… Le point particulièrement vicieux de ce dispositif réside dans le fait que le placement en CITIS provisoire peut être retiré par l’autorité territoriale si elle décide, après avis de la commission de réforme et éventuellement de son enquête administrative, de ne pas reconnait l’imputabilité de la maladie au service. Dans ce cas, l’autorité sera fondée à demander le remboursement des sommes versées tant au titre du maintien de traitement que des frais médicaux engagés. En d’autres termes, l’agent devra rembourser tout ce qu’il a « injustement » perçu du fait de la lenteur de son administration à statuer sur son cas. Nous pouvons aussi consulter l’article 47-9 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 qui dispose dans le second paragraphe que, dans le cas où l’administration ne constate pas l’imputabilité au service, elle retire sa décision déplacement à titre provisoire en congé pour invalidité temporaire imputable au service et procède aux mesures nécessaires au reversement des sommes indûment versées qui est terrible pour la victime, surtout quand l’administration est bien fondée dans la prise en compte du critère intuitu personae. B) La reconnaissance du burnout comme maladie professionnelle. Le burnout est défini par la Haute Autorité de Santé comme : « Le syndrome d’épuisement professionnel, équivalent en français du terme anglais burnout, se traduit par un épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel » [ 14 ]. Cette institution précise que « les travaux de Christina Maslach ont permis de concevoir le syndrome d’épuisement professionnel comme un processus de dégradation du rapport subjectif au travail à travers trois dimensions : l’épuisement émotionnel, le cynisme vis-à-vis du travail ou dépersonnalisation (déshumanisation, indifférence), la diminution de l’accomplissement personnel au travail ou réduction de l’efficacité professionnelle ». Nous pouvons donc affirmer, au vu de ces définitions, le lien indiscutable qui apparait entre cet état personnel, les occurrences de la survenue de ce risque et la fonction occupé dans la collectivité. Le tableau des maladies professionnelles est souvent abordé depuis le début de cet article. En l’état actuel de l’annexe 2 de l’article 461-3, il s’agit en fait de 102 tableaux traitant quasiment tous de situations spécifiques aux familles de risques présents dans les DUERP. On y trouve de l’« Affections dues au plomb et à ses composés » [ 15 ] jusqu’au « Cancer de la prostate provoqué par les pesticides » [ 16 ]. Il faut souligner qu’aucune maladie ou condition liée aux risques psychosociaux n’en fait partie. De ce fait, il faut se référer à l’article L461-1 du Code de la Sécurité sociale qui prévoit qu’une maladie non inscrite peut être reconnue comme professionnelle. Pour cela, elle devra être « essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente ». La non inscription au tableau fait néanmoins perdre la Présomption d’imputabilité. Puisque l’épuisement professionnel n’est pas dans le tableau mentionné, le fonctionnaire ou ses ayants droit doivent établir que la maladie est essentiellement et directement causée par l’exercice des fonctions et qu’elle entraîne une incapacité permanente au moins égale à 25% [ 17 ]. Cette logique de pourcentage semble complètement déconnectée de la réalité dans le cadre des maladie psychiques et donc l’épuisement professionnel. C’est d’ailleurs une des raisons qui fait qu’il est difficile pour les agents de prouver que leur état de santé mentale est imputable à leur service et qu’il remplit les autres conditions (détaillées en note 15). C’est d’ailleurs en ce sens qu’une proposition de loi a été portée par François Ruffin en 2018 qui, visait l’inscription de pathologies psychiques (avec notamment l’épuisement professionnel [ 18 ]) au tableau des maladies professionnelles. Cette inscription aurait permis de retourner la charge de la preuve et ainsi de faciliter la procédure de reconnaissance pour l’agent victime. Cette loi a pourtant été rejetée, attendu qu’il n’y a pas de moyens fiables de mesurer l’épuisement professionnel. Du fait de ce refus, l’agent victime doit prouver les 3 critères de : l’origine professionnelle de sa maladie, le lien direct et essentiel avec les missions et le pourcentage d’incapacité. En admettant que la commission admette le pourcentage d’incapacité, il faut encore que l’administration reconnaisse raisonnablement l’origine et le lien, et nous avons déjà évoqué le un potentiel manque d’objectivité de la collectivité dans cette reconnaissance, mais se pose en plus pour l’agent un facteur dépendant exclusivement de sa personne et de ses fonctions, que nous retenons ainsi comme détachable du service. II. Le facteur intuitu personae . En l’absence de tout critère objectif permettant de mesurer le syndrome d’épuisement professionnel, il nous faut nous intéresser aux différents liens entre les facteurs personnels et professionnels qui peuvent créer cet état psychologique. Le facteur intuitu personae se définit comme un facteur en lien avec la typologie ou de la qualité des relations d’un individu. Ce facteur est donc personnel et dans le cadre de cet article, il se matérialise par la mesure des missions alléguées à un individu en fonction de ses compétences, et de sa fragilité psychologique. A) La prise en compte du comportement des agents. Un premier point que nous pouvons démontrer est celui de la dégradation des conditions de travail du fait du comportement de l’agent. Ce facteur intuitu personae peut s’estimer à travers la responsabilité de l’agent en renvoyant les conséquences à la notion de détachabilité de la maladie au registre professionnel. En effet, le Conseil d’Etat [ 19 ] a précisé que, pour être considéré comme imputable au service, une maladie doit présenter un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie. Un facteur d’exclusion de cette reconnaissance nait si un fait personnel (de l’agent) ou toute autre circonstance particulière conduit à détacher la maladie du service. Si cet argument parait logique et indiscutable, il faut être conscient qu’il est plus à estimer ces critères dans le cadre des maladies physiques, alors qu’un doute sera toujours présent quant à l’état psychologique. Il ressort de cet arrêt du Conseil d’Etat que le fait d’infliger une sanction disciplinaire à un agent, même sans volonté délibérée de porter atteinte à ses droits, à sa dignité ou à sa santé (mentale comprise) peut amener à reconnaitre l’imputabilité au service d’une maladie. Nous pouvons faire le lien, pour aller plus loin dans la démarche avec l’article « La prévention des risques professionnels et volet disciplinaire des agents publics » dont un des points traités était, entre autres, la méconnaissance de l’employeur de l’influence que peut avoir l’environnement de l’agent sur son comportement et sur son usure morale. A l’inverse de l’arrêt précédemment cité, il a été estimé par la Cour Administrative d’Appel de Nantes [ 20 ] que le comportement d’une secrétaire de mairie ayant adopté une attitude faisant opposition au Maire nouvellement élu, remettant en cause son autorité et ses instructions, pourtant directement à l’origine des tensions ayant occasionné la pathologie qui a justifié les arrêts de travail dont la secrétaire a bénéficié, constitue un fait personnel de l’agent de nature à détacher du service la survenance d’une telle pathologie. Ainsi le CITIS ne peut pas être reconnu, alors que le lien direct avec l’exercice des fonctions est certain, à cause d’un fait personnel de l’agent, en l’occurrence son comportement de défiance qui conduit à détacher la maladie du service. L’arrêt du Conseil d’Etat [ 21 ] qui mentionnait la reconnaissance de l’imputabilité de la maladie au service aurait pu aller dans le même sens que celui de la cour administrative d’appel [ 22 ], attendu que le comportement de défiance des agents est présent dans les deux arrêts. En effet, le Conseil d’Etat mentionne dans son 5ᵉ considérant : « en s’engageant de longue date dans un processus d’opposition systématique à son employeur et en s’opposant à toute évolution du service, et en amplifiant cette attitude après la sanction du 3 juin 2013 au point de rendre impossible les relations de travail avec son employeur, Mme A... était à l’origine de l’épuisement professionnel et des conditions de travail dégradées dont elle se plaignait ». Il est alors intéressant de réaliser que c’est l’exercice normal du pouvoir hiérarchique à travers le recours au registre disciplinaire qui est la cause de la reconnaissance l’imputabilité au service. Le fait personnel du comportement de l’agent est négligé attendu que sa maladie ne découlerait plus (contrairement au cas de la CAA) de la dégradation des relations au travail mais de l’« anxiété provoquée par les procédures disciplinaires dont elle avait fait l’objet avait un lien direct avec son activité professionnelle ». Le point qui reste à souligner nous permet de faire un parallèle avec le harcèlement moral, puisqu’il est aussi question, que ça soit dans la reconnaissance d’un harcèlement ou dans la reconnaissance de l’imputabilité d’une maladie professionnelle, que la volonté délibérée (ou non) de porter atteinte aux droits, à la dignité ou visant à altérer la santé de l’agent n’a aucune sorte d’importance. B) La prise en compte du pouvoir managérial des agents. Nous pouvons aussi évaluer l’imputabilité au service d’une maladie à travers la responsabilité managériale des agents en souffrance. La cour administrative d’appel [ 23 ] a dû se prononcer dans un arrêt sur l’imputabilité d’un état anxiodépressif réactionnel d’un directeur des services techniques. Il en ressort que l’agent est qualifié et perfectionniste, ce qui pourrait être la cause de ses maux, devenant ainsi un fait personnel détachable du service. Mais les juges ont estimé que : l’agent ayant réussi à démontrer l’ampleur de ses missions, les nombreux dysfonctionnements du service et l’insuffisance des moyens mis à disposition de l’agent pour accomplir ses missions, la reconnaissance de l’imputabilité de la maladie au service était permise. Ainsi le caractère perfectionniste n’était pas de nature à détacher du service la survenance de sa pathologie. Une nuance est importante à apporter sur cet arrêt, puisque bien que daté du 05 janvier 2023, il est fait mention dans le 6ᵉ considérant que la pathologie de l’agent a été diagnostiquée avant l’entrée en vigueur, le 13 avril 2019, des dispositions de l’article 10 de l’ordonnance du 19 janvier 2017. Ainsi, la reconnaissance de l’imputabilité au service de sa pathologie est examinée par les juges au regard des anciennes dispositions d’imputabilité [ 24 ]. Nous l’avions précisé plus tôt, la reconnaissance d’un CITIS dépasse généralement allégrement les délais légaux prévus. Dans un autre arrêt, la Cour Administrative d’Appel de Nantes [ 25 ], a estimé qu’un ancien Directeur Général des Services (DGS) n’avait pas droit à la reconnaissance de son syndrome anxiodépressif comme maladie professionnelle. Il est question, et c’est ce qui est particulièrement intéressant, de constater que le management exigeant et directif pratiqué par ce dernier est retenu comme la cause de son état. Son statut de directeur et son influence dans l’organisation des services font qu’il s’agit d’un fait personnel de nature à détacher la maladie du service. Cet arrêt fait aussi mention du stress et de la souffrance d’autres agents de la collectivité en raison des pratiques de ce DGS. En lien avec ces pratiques, nous pourrons évaluer dans un prochain article la reconnaissance de la maladie professionnelle lorsqu’elle fait suite à du harcèlement moral. Avant cela néanmoins, nous pouvons mettre en évidence, en comparant ces deux arrêts qui mettent en évidence des agents au caractère similaire, que les juges se sont intéressés, en plus des raisons de leur stress, la cause de leur maladie, à leur importance dans l’organisation des services et donc à l’impact de leur personnalité sur la collectivité. En effet, dans le second arrêt, un doute raisonnable permettait d’imputer la pathologie du directeur à ses fonctions de directions, évidemment source d’une exposition à un stress professionnel intense. NB : La lecture des jurisprudences nous fait remarquer que les juges préfèrent la reconnaissance du syndrome anxiodépressif à celui d’épuisement professionnel. Pourtant ce syndrome a une portée plus générale, notamment possiblement individuelle et émanent de la sphère privée, alors que l’épuisement professionnel se concentre davantage sur les conditions de travail. Pour ouvrir sur les cas de harcèlement moral et de reconnaissance de CITIS : Il faut déjà préciser que l’imputabilité du congé maladie pour épuisement professionnel n’est pas liée à la reconnaissance du harcèlement moral. S’il est intéressant de le rappeler, nous pouvons alors nous demander si à l’inverse la reconnaissance du harcèlement moral peut induire de façon presque indéniable l’imputabilité du congé maladie pour épuisement professionnel. C’est l’une des suppositions que nous pouvons avancer mais qui sera étayée dans un autre article. [ 1 ] Le CITIS reste possible pour les fonctionnaires retraités percevant une pension de retraite CNRACL. [ 2 ] Décret n° 85-603 du 10 juin 1985 modifié et partie IV du Code du Travail. [ 3 ] Conseil d’Etat, 15 mai 2023, req. n°455610. [ 4 ] La question de la reconnaissance du burnout à la suite d’un accident soudain et violent reste entière. [ 5 ] Article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. [ 6 ] S’il ne change pas de résidence. [ 7 ] Dans le cadre des accidents cette présomption porte sur un accident dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal. [ 8 ] La même étude montre que cette statistique st de 75% dans la FPH, 51% dans la FPE, et de 93% dans le secteur privé ; Prévention des risques professionnels : état des lieux des mesures mises en œuvre par les employeurs publics et privés, Publié le 25 avril 2016 par Rédaction Weka. [ 9 ] Dont les conclusions ne lient pas la collectivité employeuse. [ 10 ] CE 2 février 1998, req n°135799. [ 11 ] CE 26 février 1988, req n°48718. [ 12 ] CE 15 mai 2023, req. n°455610. [ 13 ] https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2021-09/rapport-igesr-2021-116-12962.pdf Page 2. [ 14 ] Schaufeli WB and Greenglass ER. Introduction to special issue on burnout and health. Psychol Health 2001 ;16(5):501-10 https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2017-05/dir56/fiche_memo_burnout.pdf [ 15 ] Annexe II : Tableau n° 1. [ 16 ] Annexe II : Tableau n° 102. [ 17 ] Etant d’origine dijonnaise, nous pouvons préciser que c’est la loi Rebsamen de 2015 a permis aux pathologies psychiques d’être reconnues comme maladies d’origine professionnelle à condition que le salarié établisse devant un comité régional, que sa maladie est essentiellement et directement causée par son travail habituel et qu’elle ait entraîné les au moins 25% d’incapacité permanente/article 37-8 décret n°87-602. [ 18 ] Mais aussi la dépression, l’anxiété généralisée, le stress post-traumatique. [ 19 ] CE 13 mars 2019 req n°407795. [ 20 ] CAA Nantes 6 décembre 2019, req n° 17NT03285. [ 21 ] CE 13 mars 2019 req n°407795. [ 22 ] CAA Nantes 6 décembre 2019, req n° 17NT03285. [ 23 ] CAA de douai, 5 janvier 2023, req. n°22DA00926. [ 24 ] Citées au point 3, du deuxième alinéa du 2° de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984. [ 25 ] CAA de Nantes, 24 mars 2023, req. n°21NT02414, à ne pas confondre avec un autre arrêt de la même CAA, le même jour, req. n°22NT00083 ou il était aussi question de la reconnaissance d’un accident de service pour avoir éprouvé un choc après avoir entendu des propos pénibles
- Nécessité de concilier la cartographie des risques déontologiques avec l’évaluation des RPS dans les collectivités locales.
La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin II, avec le concours de l’Agence Française Anticorruption (AFA) et la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) conseillent aux collectivités Locales à la mise en place de la cartographie des risques d’atteintes à la probité et définis ces derniers par les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme. - Au sommaire de cet article... I) La plus-value de se baser sur les RPS pour cartographier les risques d’atteinte à la probité. II) Les moyens réciproques de prévention des risques d’atteinte à la probité et de la prévention des risques psychosociaux. Les risques professionnels recensés obligatoirement depuis 2001 dans les DUERP, et plus précisément dans le volet psychosocial peuvent-ils permettre une meilleure cotation de la probabilité d’occurrence dans la cartographie des risques d’atteinte à la probité ? Quelles sont les plus values à réaliser conjointement ces deux documents ? Deux défis apparaissent lors de la rédaction d’une cartographie des risques déontologiques, aussi appelée cartographie des risques d‘atteinte à la probité, le premier étant de s’assurer que tous les risques potentiels sont pris en compte. Cela peut être difficile, car il est plus aisé de se concentrer uniquement sur les risques les plus évidents ou les plus immédiats. En effet, il est important de se rappeler que les risques déontologiques peuvent être subtils à appréhender. L’autre défi est de garantir que la cartographie des risques déontologiques est objective et impartiale. Ces deux éléments se retrouvent aussi dans les Documents Uniques d’Evaluation des Risques Professionnels (DUERP) et plus particulièrement les Risques Psycho-Sociaux (RPS). Cet article a pour objet de traiter les risques d’atteinte à la probité comme risques professionnels à travers les RPS. I) La plus-value de se baser sur les RPS pour cartographier les risques d’atteinte à la probité. La mesure des RPS est obligatoire depuis l’accord-cadre relatif à la prévention de ces mêmes risques dans la fonction publique signé le 22 octobre 2013, obligeant chaque employeur public à élaborer un plan d’évaluation et de prévention des RPS en 2015. Il lui revient alors d’évaluer les risques, physiques comme psychosociaux, et de les hiérarchiser au sein d’un même document pour prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la santé physique et mentale des agents. Il en découle la mesure des RPS dans le DUERP sur le fondement de l’article L4121-1 du Code du travail. Cela permet de comprendre les risques auxquels expose un poste (ou Unité de Travail), liés entre autres aux relations professionnelles (collègues, hiérarchie, employeur, etc.), à l’organisation du travail et aux exigences du poste, à l’éthique et aux valeurs, etc.. Il est alors possible de mettre en place des actions de prévention des situations de stress, d’intimidation, de harcèlement moral et de violence. La cartographie des risques déontologiques est un moyen de prévention qui vise à réduire les manquements à la probité. Le terme de probité regroupe les 6 infractions disposées dans l’article 1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite Sapin II), à savoir la corruption,le trafic d’influence, la concussion, la prise illégale d’intérêt, le détournement de fonds publics et le favoritisme ( Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (1) ). Cette même loi dispose de l’obligation de cartographie pour les grandes sociétés et établissements publics industriels et commerciaux ayant plus de 500 salariés et réalisant plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. La loi ne définit pas d’obligation ni de référentiels pour les autres collectivités locales mais sa tenue est vivement conseillée par la HATVP [ 1 ]. De plus, la certification des comptes locaux et la réforme sur la responsabilité des gestionnaires publics nous poussent à trouver un moyen de prévention sur ces risques. Il semble opportun, pour répondre à l’obligation qu’a l’employeur en termes de prévention des RPS, de mettre en place une cartographie des risques déontologiques, tant les risques peuvent être inhérents à un poste de travail particulier ainsi qu’à l’état mental d’un agent (stress, fatigue …) et donc faire parti des risques professionnels. A) Approche méthodologique comparée. Les RPS font partie intégrante des DUERP et suivent le même formalisme. La loi se veut assez souple dans la manière de les évaluer avec toutefois certaines obligations. En effet, peu de formalisme légal est attendu dans les DUERP et dans les cartographies de risques déontologiques, seul l’objectif poursuivi est explicitement indiqué. Les éléments similaires sont perceptibles dans la finalité des documents, avec le contexte organisationnel :1) la cartographie des risques et les DUERP vise à identifier, évaluer, et hiérarchiser les risques, que ce soit ceux d’atteinte à la probité inhérents aux activités de l’entité ou ceux professionnels (physiques, biologiques, de pandémie, psychosociaux …), en vue de leur maîtrise ;2) les instances dirigeantes prennent la décision et endossent la responsabilité. Le Maire est responsable et garant du bien-être de ses agents, et de l’image de sa collectivité. On discernera cependant les types de responsabilités qui pourront revêtir, en fonction des cas, un caractère civil, pénal ou politique ;3) la mise à jour des deux documents doit avoir lieu à chaque nouvel élément modifiant l’exposition au risque ou au moins une fois par an. Un responsable du dispositif de probité doit être désigné par les instances dirigeantes. Le responsable de ce dispositif pilote le déploiement, l’évaluation et l’actualisation du programme opérationnel. Il coordonne l’élaboration de la cartographie des risques en accompagnant chaque service dans l’audit de ses fonctions, des processus mis en œuvre, des risques induits et des mesures préventives en place et définit les axes d’améliorations. Ce dernier point nous montre la similitude avec le conseiller et assistant de prévention en matière de prévention des risques au travail, et nous pousse à penser que ces deux agents pourraient être la même personne, avec une formation polyvalente adaptée qui prend pour base le psycho-social. Les éléments de similitude sont aussi visibles dans le rendu final du document au vu de la méthodologie employée passant par : l’identification des risques inhérents aux activités de l’entreprise ; l’évaluation des risques bruts ; l’évaluation des risques nets ou résiduels ; la hiérarchisation des risques nets ou résiduels et élaboration du plan d’actions ; la formalisation, la mise à jour et l’archivage du document d’évaluation [ 2 ]. La cartographie des risques déontologiques selon les recommandations de l’AFA (avec la comparaison de la rédaction du DUERP en deuxième ligne) se rédige comme suit : L’occurrence ou la fréquence se calcule de la même façon dans les deux documents : La gravité, du fait de ses conséquences, est la principale source de différence dans les deux documents (même si cela nous permet de constater dès à présent les similitudes et les liens de causalité entre les RPS et les conséquences sur la réputation et les humains pris en compte dans la cartographie des risques déontologiques). Cliquer sur l’image pour l’agrandir. Certains points de divergences sont à noter. NB : Etant donné que la cartographie des risques comme outil déontologique vise à la mise en place d’une politique de probité (anticorruption), elle concerne aussi les élus en leur qualité d’ordonnateur. La cartographie des risques d’atteinte à la probité touche aussi bien les agents que les élus, alors que les RPS ont vocation première à ne concerner que les professionnels, donc uniquement les agents publics. Pourtant, les élus, bien qu’il ne soit pas fait obligation de hiérarchiser les risques professionnels qui s’opposent à eux, la fonction d’élu n’étant pas une profession, ont un impact sur les RPS, en ce que la Fonction Publique Territoriale leur donne le rôle d’employeur avec la double casquette de management et de contrôle (accentué dans les petites collectivités). Cette tâche fait qu’il serait intéressant de prendre les élus en compte dans les DUERP, pour avoir un référentiel et proposer des moyens de préventions face aux violences et aux agressions sur leurs personnes, en augmentation. Le renforcement de la déontologie prend un caractère déterminant dans l’atmosphère psychosociale, puisque selon les mots de Jean Louis Nada, alors président de la HATVP, (dans le guide I de la HATVP) : « Boussole de l’action publique, la déontologie aiguille les fonctionnaires et les élus dans l’exercice de leurs missions quotidiennes. Source de légitimité, elle est un rempart face à la défiance grandissante des citoyens envers leurs institutions et leurs responsables publics ». Le terme de “défiance” est fort à propos du fait de sa référence à la psychologie, en étant définie comme un sentiment de crainte et de perte de confiance [ 3 ]. Cela nous montre à quel point la déontologie gagne à être associée aux évaluations psychologiques. B) Les raisons de l’atteinte à la probité par le prisme des unités de travail. L’atteinte à la probité peut avoir différentes causes, qui dépendent notamment des contextes sociaux, économiques et culturels dans lesquels elle se produit. Selon le prisme des unités de travail, ces causes peuvent être liées aux caractéristiques des individus, des groupes et des organisations qui composent ces unités. Ce prisme nous permet de regrouper alors les processus par groupe d’individus. Au niveau individuel, l’atteinte à la probité peut être causée par des facteurs tels que la cupidité, l’égoïsme, l’absence de moralité, l’incapacité à résister à la tentation, la détresse psychologique, ou tout autre faille psychologique propre à la personne. Ces facteurs peuvent être renforcés par des situations de stress, de pression, de vulnérabilité économique, de manque de perspectives professionnelles ou de manque de contrôle interne. Les RPS ne reprennent pas ces risques puisqu’ils sont inhérents à un poste et non aux individus. Pour rappel, les facteurs pris en compte lors de la rédaction des RPS et de la cartographie doivent être objectifs et impartiaux. Il faut néanmoins noter que, si le rédacteur de ces documents est amené à recenser des facteurs similaires entre les individus d’une même unité de travail, le risque ne sera plus individuel mais collectif, nécessitant donc sa prise en compte. Au niveau des groupes d’individus, les atteintes à la probité peuvent être engendrées par des facteurs tels que la culture d’entreprise, les normes sociales, les relations de pouvoir, les pressions de conformité, ou encore un manquement dans l’accompagnement managérial. Ces facteurs peuvent encourager ou tolérer des comportements corrompus, ou même les rendre nécessaires pour réussir dans le groupe ou l’organisation. Au niveau des collectivités, les mêmes atteintes peuvent être causées par des facteurs tels que la mauvaise gestion, la carence de la réglementation et de la supervision, les ... Article complet sur : https://www.village-justice.com/articles/necessite-concilier-cartographie-des-risques-deontologiques-avec-evaluation-des,46369.html [ 1 ] Page 13 du Guide déontologique, Manuel à l’usage des responsables publics et des référents déontologues disponible a ce lien https://www.hatvp.fr/wordpress/wp-content/uploads/2020/05/HATVP_guidedeontoWEB.pdf [ 2 ] Page 20 à 23 du document « les recommandations de l’AFA » : https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/Recommandations%20AFA.pdf [ 3 ] https://www.cnrtl.fr/definition/d%C3%A9fiance [ 4 ] https://www.lepoint.fr/societe/la-drole-de-facon-de-se-venger-de-la-police-municipale-de-beauvais-23-10-2015-1976256_23.php [ 5 ] Page 19 du guide https://www.hatvp.fr/wordpress/wp-content/uploads/2019/04/HATVP_guidedeontoWEB.pdf [ 6 ] https://travail-emploi.gouv.fr/sante-au-travail/prevention-des-risques-pour-la-sante-au-travail/article/risques-psychosociaux [ 7 ] Page 3 du guide référentiel du conseiller de prévention http://www.intefp-sstfp.travail.gouv.fr/datas/files/SSTFP/Guide%20CONSEILLER.pdf [ 8 ] Page 20 du Guide déontologique, Manuel à l’usage des responsables publics : https://www.hatvp.fr/wordpress/wp-content/uploads/2019/04/HATVP_guidedeontoWEB.pdf
- Référent laïcité ou référent neutralité ? Quelle plus-value par rapport au référent déontologue ?
La laïcité est de plus en plus souvent abordée dans les débats publics. Souvent mal interprétée, une solution à cette incompréhension semble avoir été trouvée pour les collectivités locales par la création du référent laïcité. Ce dernier doit permettre aux agents territoriaux d’appréhender pleinement le sens et la portée du principe de laïcité et de son corollaire, l’obligation de neutralité. Cependant, le principe de laïcité est déjà lié à celui de la neutralité, qui fait déjà lui-même intégralement partie des obligations déontologiques des agents publics. Par conséquent, le référent laïcité répond-il aux besoins existants ? - Le référent laïcité est créé par l’article 28 ter de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (I), et qui dispose que les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics désignent un référent laïcité. De plus, l’article 124-3 du Code général de la fonction publique depuis l’Ordonnance n°2021-1574 du 24 novembre 2021 dispose que “ le référent laïcité est chargé d’apporter tout conseil utile au respect du principe de laïcité à tout agent public ou chef de service qui le consulte. Il est chargé d’organiser une journée de la laïcité le 9 décembre de chaque année. Les fonctions de référent laïcité s’exercent sous réserve de la responsabilité et des prérogatives du chef de service ”. Une chose particulièrement intéressante avec ces articles est que le référent est bel et bien chargé d’apporter des conseils sur le principe de laïcité. Se pose alors la question de la différence entre le principe de laïcité et la laïcité elle-même. I. Laïcité et principe de laïcité. L’article 1er de la Constitution dispose, comme tout le monde le sait, que “ La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée ”. Pourtant, le Conseil Constitutionnel a été saisi en 2012 [ 1 ] par le Conseil d’Etat lors d’une question prioritaire de constitutionnalité qui expose dans son 5ème considérant, après un rappel de ce même article de la Constitution, que “ le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu’il en résulte la neutralité de l’État ; qu’il en résulte également que la République ne reconnaît aucun culte ; que le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les croyances, l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et que la République garantit le libre exercice des cultes ; qu’il implique que celle-ci ne salarie aucun culte ”. Ainsi, le principe de laïcité impose la neutralité de l’Etat et on peut noter qu’il est constitutionnellement protégé en France, tandis que la laïcité elle-même découle de la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905. Cette loi ne s’arrête pas à imposer à l’État de ne pas reconnaître, salarier ou subventionner les religions, mais elle laisse transparaître la garantie de la liberté en disposant que la République " assure la liberté de conscience ", et qu’elle " garantit le libre exercice des cultes " [ 2 ] [ 3 ]. Cela nous montre bien que la laïcité est un principe de liberté [ 4 ] permis par la neutralité de l’Etat, alors que le principe de laïcité est celui qui, avant tout, impose à l’Etat d’être neutre. C’est donc le principe de laïcité qui permet la laïcité. Cela nous permet donc d’affirmer que la République est laïque et que l’Etat est neutre. Cette distinction est essentielle, en ce que la République est un système de gouvernement basé sur la souveraineté populaire et l’élection de représentants, tandis que l’État est une entité politique et administrative qui exerce le pouvoir sur un territoire donné. Par conséquent, dans une République, l’État est l’organe par lequel le pouvoir est exercé au nom du peuple [ 5 ]. II. Référent laïcité et neutralité. Le référent laïcité, en étant chargé “ d’apporter tout conseil utile au respect du principe de laïcité à tout fonctionnaire ou chef de service qui le consulte ”, doit-il se borner à l’unique principe de laïcité et donc de neutralité de l’Etat ? D’après l’article 5 du décret n° 2021-1802 du 23 décembre 2021 relatif au référent laïcité dans la fonction publique, celui-ci “ exerce les missions suivantes :1° Le conseil aux chefs de service et aux agents publics pour la mise en œuvre du principe de laïcité, notamment par l’analyse et la réponse aux sollicitations de ces derniers portant sur des situations individuelles ou sur des questions d’ordre général ;2° La sensibilisation des agents publics au principe de laïcité et la diffusion, au sein de l’administration concernée, de l’information au sujet de ce principe ;3° L’organisation, à son niveau et le cas échéant en coordination avec d’autres référents laïcité, de la journée de la laïcité le 9 décembre de chaque année.A la demande de l’autorité mentionnée aux 1° à 3° de l’article 1er, le référent peut être sollicité en cas de difficulté dans l’application du principe de laïcité entre un agent et des usagers du service public ”. Ce dernier point du décret est particulier, car si le principe de laïcité a une portée déontologique sur les obligations des agents publics en matière de neutralité, les usagers du service public n’y sont pas soumis [ 6 ]. On voit difficilement comment un conseil utile à ce sujet pourra être mis en œuvre s’il n’est pas relatif à la neutralité, ou à l’impartialité. La lecture de l’article L121-2 du Chapitre Ier sur les obligations générales du Code général de la fonction publique dispose que : “ Dans l’exercice de ses fonctions, l’agent public est tenu à l’obligation de neutralité.Il exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. A ce titre, il s’abstient notamment de manifester ses opinions religieuses. Il est formé à ce principe.L’agent public traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité ”. Cet article nous montre le lien qui est fait par le législateur entre le principe de laïcité et celui de neutralité. Par ailleurs, il nous questionne sur le fait que l’article L121 dans son intégralité dispose des obligations déontologiques des agents publics tel que la dignité, l’impartialité, l’intégrité, la probité le secret professionnel, la discrétion professionnelle, le fait de ne pas être en situation de conflit d’intérêts … Il apparaît donc que les compétences du référent laïcité semblent intégralement prises en charge par le référent déontologue. III. Le référent laïcité et le référent déontologue. On peut donc se demander s’il y a une redondance avec les compétences déjà pourvues par le référent déontologue. En effet, le référent déontologue doit aussi obligatoirement être désigné par les collectivités depuis la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires qui institue que tous les agents exerçant dans la fonction publique ont la possibilité de consulter un référent déontologue. Sa fonction est définie par l’article L124-2 du CGFP comme suit : “ Tout agent public a le droit de consulter un référent déontologue, chargé de lui apporter tout conseil utile au respect des obligations et des principes déontologiques mentionnés aux chapitres I à III et au présent chapitre. Cette fonction de conseil s’exerce sans préjudice de la responsabilité et des prérogatives du chef de service ”. Nous avons vu que dans ces chapitres étaient disposés justement l’obligation de neutralité des agents publics et le respect du principe de laïcité. Cela s’explique par le fait que le non-respect du principe de neutralité est de nature à mettre l’agent dans une situation de conflit d’intérêts, disposé par l’article L121-5 et défini comme toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions de l’agent public, l’intérêt pouvant être moral. Cette codification fait retomber de facto ces cas dans les compétences du référent déontologue avec l’application de l’article 8 du décret n° 2017-519 du 10 avril 2017 relatif au au rôle de ce dernier, qui dispose qu’il apporte aux personnes intéressées, le cas échéant, tout conseil de nature à faire cesser ce conflit. Ainsi, tout soupçon d’infraction à la neutralité tombe sous les prérogatives du référent déontologue. Ces points de similitudes vont jusqu’aux critères de nomination des deux référents, sensiblement les mêmes, à savoir qu’ils sont désignés parmi les magistrats, fonctionnaires et militaires, en activité ou retraités, ou parmi les agents contractuels bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée [ 7 ]. C’est d’ailleurs pourquoi, dans la pratique, les référents déontologues sont souvent nommés référents laïcité. La seule compétence propre au référent laïcité n’est, de fait, que le l’organisation de la journée de la laïcité du 9 décembre pour la promotion du principe de laïcité dont l’organisation peut se faire en coordination avec d’autres référents laïcité [ 8 ]. En conclusion, il en découle deux possibilités : il faut soit ouvrir les compétences du référent laïcité pour apporter tout conseil utile aux questions relatives à la laïcité et non plus au principe de laïcité, soit supprimer cette fonction, puisque dans l’espèce, ce n’est que redondance. A l’heure actuelle, on ne peut que regretter que le référent laïcité ne soit qu’un instrument de plus pour aiguiller les agents publics dans l’application de leurs obligations, à travers son devoir de conseil sur le principe de laïcité. Il serait en revanche davantage intéressant en tant qu’ambassadeur de la laïcité dans ce qu’elle a de plus noble, son principe de liberté. [ 1 ] Décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013. [ 2 ] Avec certaines réserves d’ordre public. [ 3 ] Article 1 de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’Etat. [ 4 ] De conscience et de croyances. [ 5 ] Ou de la nation. [ 6 ] Quelques exceptions sont à noter mais elles ne rentrent pas dans l’objet de cet article. [ 7 ] Article 3 du décret Décret n° 2021-1802 du 23 décembre 2021 relatif au référent laïcité dans la fonction publique pour le référent laïcité et article 3 du Décret n° 2017-519 du 10 avril 2017 relatif au référent déontologue dans la fonction publique pour le référent déontologue. [ 8 ] Article 5 du décret n° 2021-1802 du 23 décembre 2021 relatif au référent laïcité dans la fonction publique.
- Le recours au référent déontologue pour les élus locaux, un luxe réservé aux élus des grandes collectivités ?
Le référent déontologue pour les élus locaux est obligatoire depuis le 1er juin 2023. Pourtant, les collectivités ont eu beaucoup de difficultés dans sa mise en place pour plusieurs raisons dont la principale réside en la difficulté de trouver une personne compétente en déontologie qui ne soit pas en conflit d’intérêts avec la collectivité. Un autre frein à ce dispositif résulte de son financement, qui prend la forme d’indemnités de vacations, percevables en fonction du nombre de saisines ou de leurs difficultés. Il apparaît donc évident que pour donner au référent les moyens de promouvoir la déontologie dans la fonction publique territoriale le recours au référent déontologue pour les élus ne devrait pas peser sur le budget des collectivités. - Au sommaire de cet article... Un coût de fonctionnement à la charge de la collectivité impossible à prévoir et un encadrement difficile. II - Un risque de déontologie “à deux vitesses” en raison de l’impact budgétaire. III - La plus value de rendre le recours au référent déontologue pour les élus à titre gracieux. L’article 218 de la loi n°2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale a modifié l’Article L1111-1-1 du Code Générale des Collectivités Territoriales qui dispose de la charte de l’élu local, en y ajoutant la possibilité pour tout élu local de consulter un référent déontologue chargé de lui apporter tout conseil utile au respect des principes déontologiques consacrés par cette charte. Le Décret n° 2022-1520 du 6 décembre 2022 relatif au référent déontologue de l’élu local spécifie qu’il appartient à chaque collectivité et établissement public de procéder à la désignation de ce référent déontologue. Le référent ou les membres du collège de référents ne doivent plus exercer de mandat d’élu local depuis au moins trois ans et ne doivent pas être agent de la collectivité, ni être en conflit d’intérêt avec elle [ 1 ]. Pour rappel, la définition du conflit d’intérêts est très large : “ Constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction .” Il semble compliqué dans un premier temps pour les élus d’être en relation avec une personne respectant ces conditions, et respectant en plus celles issues de sa compétence et de son expérience [ 2 ]. Pour que son rôle soit utile, le référent déontologue nommé par la collectivité doit donc avoir la confiance de tous les élus, sans que son objectivité ou que son impartialité ne puisse être remise en cause. Cet exercice de nomination est déjà complexe, mais des moyens ont été apportés pour permettre cette mise en relation, notamment grâce au concours des Centres de gestion et des assemblées d’élus. Une autre problématique que celle de la nomination persiste néanmoins, à savoir celle du coût pour la collectivité, puisqu’aucun moyen de contrôle n’est possible ou prévu. En effet, le référent étant indépendant et soumis au secret professionnel, l’autorité territoriale n’a pas de vision sur le travail effectif rendu. De plus, tous les élus pouvant solliciter le référent dans le secret, la budgétisation du service est difficile, extrêmement variable en fonction de la communication qui est faite, et ce que le référent soit dans un cadre individuel, donc indemnisé au dossier, ou dans un cadre collégial, donc au temps de travail. Ce que l’on peut constater, c’est que les collectivités ont nommé leur référent déontologue ou sont en voie de le faire, mais que cette nomination a pour le moment peu d’effets concrets, puisqu’elle a pour unique objet de respecter la modalité du décret et que la plus value de ce nouveau service est encore à démontrer. Beaucoup d’interrogations restent en suspens, notamment sur les moyens de trouver un référent compétent qui ne soit pas en conflit d’intérêts avec la collectivité, au sujet de comment s’assurer de ses compétences à long terme ou encore sur les moyens de son financement. Un coût de fonctionnement à la charge de la collectivité impossible à prévoir et un encadrement difficile. Le décret n° 2022-1520 du 6 décembre fixe la modalité de rémunération du référent déontologue pour les élus locaux, sous la forme d’indemnités de vacations. Ce premier point est intéressant parce qu’il exclut la nomination d’une personne morale, cette dernière ne pouvant pas être vacataire. Des plafonds fixés à 80€ par dossier et à 300€ pour la présidence effective d’une séance du collège d’une demi-journée et à 200€ pour la participation effective à une séance du collège d’une demi-journée [ 3 ] [ 4 ] ont été prévus par l’arrêté du 6 décembre pris en application du décret. Cela représente, pour un collège de trois référents, le versement de 700€ d’indemnités de vacation pour une demi-journée. Ces plafonds ne sont cependant pas un moyen de garantie de maîtrise des coûts pour le budget de la collectivité. En effet, dans le premier cas, le référent déontologue n’a pas à rendre de compte sur le nombre de dossiers traités et personne ne peut savoir la proportion d’élus qui vont avoir besoin d’un avis. Dans le cas d’un collège, personne, pas même les référents, ne peuvent à l’avance savoir combien de temps il faudra passer sur un dossier, et donc une difficulté dans le travail préparatoire au vote du budget de la collectivité est à prévoir. D’autres craintes plus marginales sont partagées par les élus, à savoir : dans le cadre d’une nomination du référent individuel, que ce dernier ne considère une réponse d’incompétence comme un dossier traité et ouvrant ainsi son droit aux indemnités de vacations. Et dans le cas inverse, qu’un dossier particulièrement complexe ne soit survolé pour optimiser le temps passé dessus, attendu que le référent ne peut prétendre percevoir que 80€ par dossier, indépendamment du temps nécessaire pour y répondre. dans le cadre collégial : l’indemnité de vacation pouvant être perçue en fonction du temps passé sur un dossier, que les référents entrent dans des débats herméneutique stériles afin d’assumer des réponses chronophages. dans les deux cas, la crainte persiste en ce que des élus d’opposition n’instrumentalisent le recours au référent déontologue dans l’unique objectif de déséquilibrer le budget de la collectivité pour ainsi restreindre les possibilités d’investissement de l’autorité territoriale. [ 5 ] Le problème insoluble réside dans le fait que le référent demande les indemnités auxquelles il a droit à postériori des sollicitations des élus, et sans apporter aucun détail sur son travail effectif pour respecter le secret et la discrétion professionnelle qu’il ne peut méconnaitre. II - Un risque de déontologie “à deux vitesses” en raison de l’impact budgétaire. Sans retomber dans les craintes d’une volonté de nuire de certains élus d’opposition et en partant du principe que tous les référents déontologues sont probes, la problématique du poids budgétaire du recours au référent reste entière. En effet, avant la parution du décret, les élus étaient en droit de s’attendre à ce que le référent déontologue pour les élus locaux bénéficie de la même mise en place que le référent déontologue pour les agents et les collectivités. On constate d’ailleurs que la majorité des Centres de gestions se sont orientés vers les mêmes personnes pour assurer les missions de référent déontologue pour les agents et les collectivités et pour les élus locaux. Pour ne conserver que les différences budgétaires entre ces deux institutions [ 6 ], il est à noter que la désignation du référent déontologue pour les agents et les collectivités est une compétence obligatoire des Centres de gestion, alors que celui pour les élus est au mieux une compétence facultative. Cette différence est fondamentale sur le coût du service, puisque dans le premier cas, le référent est d’apparence gratuite, son coût étant supporté par la cotisation obligatoire des collectivités à leur Centre de gestion, alors que le référent pour les élus, lorsque le Centre de gestion s’est estimé compétent pour proposer son assistance, induit une facturation qui peut même pour certains départements mener, via un conventionnement, à un coût facturé supérieur aux plafonds des indemnités de vacations fixées par la décret. Pour les collectivités qui ne sont pas affiliées au Centre de gestion, il est d’usage de désigner un juriste pour assurer la fonction de référent déontologue pour les agents et la collectivité, en lui attribuant un quota de temps pour assurer cette mission. Cette possibilité n’est pas viable pour le référent déontologue pour les élus locaux, ce dernier ne pouvant pas être un agent de la collectivité au nom de l’objectivité, de l’indépendance et du risque de conflit d’intérêts que cela impliquerait. Le recours au référent déontologue par les élus a donc un coût non négligeable, difficilement compressible et imprévisible, et ce, que ce dernier soit choisi directement par la collectivité ou qu’il soit désigné par le biais d’un Centre de gestion. Le nœud du problème est alors l’impact sur le budget de la collectivité. En effet, toutes les collectivités doivent nommer un référent déontologue pour les élus locaux, ce qui signifie qu’une collectivité de moins de 100 habitants, dont les recettes sont restreintes et qui comptent à l’euro près les dépenses, doit prévoir le coût du référent déontologue pour les sept élus en cas de questions, et ce, sans qu’elle ne puisse s’y opposer. Le moyen trouvé actuellement par les petites collectivités pour faire face à cette nouvelle dépense est de ne pas médiatiser autour de la possibilité de demander l’avis du référent et ainsi restreindre ce droit au maximum. Cela néglige l’article 1 du décret du 6 décembre, qui dispose que “ les informations permettant de consulter le ou les référents déontologues ou le collège sont portées par tout moyen à la connaissance des élus locaux intéressés par chaque collectivité territoriale ”. Pourtant, c’est dans les petites collectivités qu’il y a un risque majeur de conflit d’intérêts [ 7 ] dû à la méconnaissance de son champ d’applicabilité très large et c’est pour ces élus que le recours à un référent peut avoir le plus d’utilité. Il est donc regrettable de constater que le poids financier d’un service pèse plus (proportionnellement parlant) sur les petites collectivités, qui se voient ainsi amputé d’un apport précieux. III - La plus value de rendre le recours au référent déontologue pour les élus à titre gracieux. On constate que le référent déontologue pour les élus locaux est désigné par délibération, et qu’il en va de même pour sa révocation. Une des interrogations que nous pouvons donc avoir est sur l’existence d’un biais dans les avis rendus pour rester en poste. En effet, l’indépendance peut-elle être garantie s’il y a une question de rémunération lorsque l’avis rendu par le référent est contraire aux aspirations de l’élu qui en fait la demande ? On voit bien alors que la question de la rémunération soulève des doutes. Le meilleur moyen pour promouvoir la déontologie dans toute la fonction publique, et ne pas pénaliser les élus des petites collectivités, serait de rendre gratuite la possibilité de recours au référent déontologue pour les élus. En effet, si on compare avec les agents de la fonction publique, ces derniers peuvent saisir le référent déontologue quasiment dans les mêmes modalités et avec les mêmes garanties de secret, d’objectivité et de qualité de l’avis rendu, le tout gratuitement. Pourquoi les élus seraient-ils moins bien accompagnés alors qu’ils sont plus exposés ? Selon les termes de Jean-Louis NADAL [ 8 ], “ [la déontologie est la] boussole de l’action publique, elle aiguille les fonctionnaires et les élus dans l’exercice de leurs missions quotidiennes. Source de légitimité, elle est un rempart face à la défiance grandissante des citoyens envers leurs institutions et leurs responsables publics. ” Pour que cette déontologie puisse “aiguiller” les fonctionnaires et les élus, il faut donner les moyens aux élus de pouvoir recevoir un conseil utile, sans craindre de peser sur leur budget, comme c’est le cas pour les fonctionnaires [ 9 ]. On peut aussi citer l’expertise et la lucidité de certains autres référents déontologues, représentés ici en la personne de Claude BEAUFILS, qui oeuvrent pour que la déontologie soit la même pour les élus et les agents [ 10 ]. De plus, il n’était pas rare en cas de doute d’un élu, que ce dernier se tourne vers la préfecture ou vers les associations d’élus. Peut-on alors vraiment leur accorder un droit qu’ils avaient déjà en n’ayant pour unique conséquence que de faire payer la collectivité ? Le service bénévole permet aussi d’éviter un des problèmes que le référent peut rencontrer quand il est mutualisé entre différentes collectivités et que la question de l’élu porte sur un cumul entre deux mandats, celle de savoir qui le rémunère. Malheureusement, en l’état actuel des textes, on peut noter que les collectivités ont déjà du mal à trouver un référent déontologue pour les élus compétent, alors que ce dernier a droit aux indemnités de vacations et donc que lui proposer les mêmes contraintes dans le cadre du pro bono risque d’accentuer la difficulté de la recherche. Certaines solutions peuvent être apportées, c’est notamment ce que proposent certains Centres de gestion avec la gratuité du service la première année ; ou “le collège de déontologie [ 11 ]” qui offre ses services gratuitement avec une alternative originale : une association à but non lucratif dont la visée est de promouvoir la déontologie dans la fonction publique. Ainsi, leurs services sont gratuits, et les collectivités qui le souhaitent peuvent les soutenir en les subventionnant, sans aucune obligation. Cela permet aux collectivités d’avoir un contrôle sur l’impact budgétaire du service, et aux référents d’assurer leur impartialité et leur objectivité ; de plus, tout est réinvesti pour la promotion de la déontologie dans la fonction publique. [ 1 ] Article 1 du décret n° 2022-1520 du 6 décembre 2022 relatif au référent déontologue de l’élu local. [ 2 ] Idem [ 3 ] Article 3 de l’Arrêté du 6 décembre 2022 pris en application du décret n° 2022-1520 du 6 décembre 2022 relatif au référent déontologue de l’élu local [ 4 ] D’autres éléments de rémunérations additionnels peuvent être mis en place selon les modalités de l’arrêté. [ 5 ] Certains guides mentionnent que le référent n’est habilité pour répondre qu’aux questions personnelles des élus, mais ces guides n’ont aucune valeur normative et c’est au référent de statuer sur ses compétences. [ 6 ] D’autres différences peuvent être à noter, notamment en matière de désignation ou dans le fondement même de la compétence sur la déontologie. [ 7 ] Ainsi que des dérogations légales à la qualification de prise illégale d’intérêts pour les élus des collectivités de moins de 350 habitants (Article 432-12 du code pénal). [ 8 ] Dans le Guide 1 de la déontologie de la HATVP https://www.hatvp.fr/wordpress/wp-content/uploads/2019/04/HATVP_guidedeontoWEB.pdf [ 9 ] Comprendre fonctionnaire au sens large d’agent public. [ 10 ] https://www.lagazettedescommunes.com/819176/le-deontologue-devrait-etre-le-meme-pour-les-elus-et-les-agents/ [ 11 ] https://www.referentdeontologue.fr/
- Dispositif de signalement et référent alerte dans la Fonction publique : cohérence ou redondance ?
Les collectivités ont l’obligation de mettre en place deux recueils internes de signalements. L’un a vocation à être tourné vers les ressources humaines avec sa compétence pour les actes de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel ou d’agissements sexistes, l’autre, d’une vocation plus générale, concerne tous les délits et les crimes. Cet article traitera de leur articulation pratique et s’interrogera sur la fonction qui leur est propre. - Au sommaire de cet article... 1. Définition du champ de compétence des dispositifs de recueil des signalements : Deux mécanismes internes de gestion des signalements. 2. Procédure de recueil des signalements. 3. La finalité des deux dispositifs. 4. Mise en place dans la fonction publique territoriale. 5. Ni concordance, ni redondance, mais cohérence et interdépendance des compétences ? Le dispositif de signalement est créé par l’article 80 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Cette loi est largement issue des discussions parlementaires (comptant initialement 36 articles, elle entre en vigueur avec 95 articles) et vise directement la gestion des ressources humaines de la fonction publique en s’inspirant du droit privé et en renforçant la déontologie des administrations. Cette même loi renforce les contrôles déontologiques étayant les compétences de la HATVP en matière de demandes de cumul d’activité, de création/reprise d’entreprises et de départ vers le privé. Le référent alerte est plus ancien que le dispositif de signalement puisqu’issu de la Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (1) (dite Sapin II). C’est l’article 8 [ 1 ] de cette loi qui crée sa compétence en disposant : « I. - Le signalement d’une alerte est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par celui-ci.En l’absence de diligences de la personne destinataire de l’alerte mentionnée au premier alinéa du présent I à vérifier, dans un délai raisonnable, la recevabilité du signalement, celui-ci est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels.En dernier ressort, à défaut de traitement par l’un des organismes mentionnés au deuxième alinéa du présent I dans un délai de trois mois, le signalement peut être rendu public ... » La loi n°2022-401 du 21 mars 2022 est venue modifier cet article mais pas sa portée concernant le référent alerte, en considérant que : « I.-A.-Les personnes physiques mentionnées aux 1° à 5° du présent A qui ont obtenu, dans le cadre de leurs activités professionnelles, des informations mentionnées au I de l’article 6 et portant sur des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l’entité concernée, peuvent signaler ces informations par la voie interne, dans les conditions prévues au B du présent I, notamment lorsqu’elles estiment qu’il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie et qu’elles ne s’exposent pas à un risque de représailles. … B.-Au sein des entités dans lesquelles il n’existe pas de procédure interne de recueil et de traitement des signalements, les personnes physiques mentionnées aux 1° à 5° [ 2 ] du A du présent I peuvent signaler les informations concernées à leur supérieur hiérarchique direct ou indirect, à l’employeur ou à un référent désigné par celui-ci ». Dans la mise en place de ce référent, on peut lire plusieurs noms désignant la même personne en fonction de la mise en place. Les principaux sont “référent alerte” ou “référent alerte éthique”.Dans un souci de simplification, nous prendrons le terme de “référent alerte” pour la procédure de recueil interne de traitements des signalements issus de la loi n°2016-1691 sur la protection des lanceurs d’alerte ; et “dispositif de signalement” pour la procédure de recueil des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes dans la fonction publique. La question sera de savoir si les compétences du dispositif de signalement et celles du référent alerte se complètent ou s’ils sont redondants. Notre article vise tout en particulier le cas de la fonction publique territoriale à travers les compétences des centres de gestions. 1. Définition du champ de compétence des dispositifs de recueil des signalements : Deux mécanismes internes de gestion des signalements. Il faut insister sur le fait qu’il s’agisse dans les deux cas de recueils de l’alerte internes à la structure, qui ont donc vocation à rester à l’échelle de la collectivité, et ce même si un prestataire extérieur est désigné, car le pouvoir de désignation et de révocation reste celui de l’autorité territoriale. Il ne faut donc pas confondre avec les dispositifs d’alerte externe pour lesquels sont nouvellement compétentes la Cour des Comptes ou le Défenseur Des Droits. La lecture des textes ne permet pas de confirmer la culture répandue dans la fonction publique territoriale que le référent alerte doive se borner à n’être qu’un filtre entre l’alerteur et le procureur [ 3 ].L’article 8 de la loi Sapin, comme écrit initialement, disposait que c’est seulement : « En l’absence de diligences de la personne destinataire de l’alerte mentionnée au premier alinéa du présent I à vérifier, dans un délai raisonnable, la recevabilité du signalement, celui-ci est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels ». Et sa modification par la loi Waserman a donné : « notamment lorsqu’elles estiment qu’il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie et qu’elles ne s’exposent pas à un risque de représailles (…) », ce qui nous pousse bien à considérer le référent comme un intermédiaire entre le lanceur d’alerte et l’autorité territoriale. En effet, le référent alerte fait partie de la procédure interne de recueil et de traitement des signalements [ 4 ]. Cette possibilité d’agir en amont des autorités extérieures est disposée au III de l’article 4 du décret n°2022-1284 : « III. - Lorsque les conditions prévues par l’article 6 et le A du I de l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016 susvisée sont respectées, l’entité assure le traitement du signalement.Elle peut, afin d’évaluer l’exactitude des allégations qui sont formulées, demander tout complément d’information à l’auteur du signalement.Lorsque les allégations lui paraissent avérées, l’entité met en œuvre les moyens à sa disposition pour remédier à l’objet du signalement.La procédure prévoit que l’entité communique par écrit à l’auteur du signalement, dans un délai raisonnable n’excédant pas trois mois à compter de l’accusé de réception du signalement ou, à défaut d’accusé de réception, trois mois à compter de l’expiration d’une période de sept jours ouvrés suivant le signalement, des informations sur les mesures envisagées ou prises pour évaluer l’exactitude des allégations et, le cas échéant, remédier à l’objet du signalement ainsi que sur les motifs de ces dernières.L’entité procède à la clôture du signalement lorsque les allégations sont inexactes ou infondées, ou lorsque le signalement est devenu sans objet. La procédure prévoit que l’auteur du signalement est informé par écrit de la clôture du dossier ». La définition du lanceur d’alerte de la loi Sapin 2 modifié par l’article 1 de la loi Waserman nous permet d’apprécier le champ de compétences du référent : « Art. 6.-I.-Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l’article 8, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance ». Cette conception extrêmement générale de l’alerte peut créer un cumul avec le dispositif de signalement qui est compétent pour : “des agents qui s’estiment victimes d’atteintes volontaires à leur intégrité physique, d’un acte de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel, d’agissements sexistes, de menaces ou de tout autre acte d’intimidation”, donc des agents potentiellement en présence d’un délit ou d’un crime. En effet, le code pénal définit comme des crimes ou des délits les actes précédemment mentionnés [ 5 ], et cette qualification rend pleinement compétent le référent alerte. On peut néanmoins souligner le fait que la définition des compétences du dispositif de signalement s’oriente sur les atteintes volontaires et non involontaires, mais que le fait qu’il se base sur le ressenti de la victime ne permet pas d’affirmer le caractère volontaire ou non du délit ou de crime de l’auteur des faits.On peut noter cependant une chose intéressante dans la tournure de phrase du décret résident dans la notion de “s’estiment victimes” qui renvoie à l’incompétence de la qualification juridique des faits par le dispositif de signalement. Relevant les compétences du référent alerte, la loi Waserman crée aussi le statut de “facilitateur”, qui est définit comme suit dans l’article 2 : “1° Facilitateurs, entendus comme toute personne physique ou toute personne morale de droit privé à but non lucratif qui aide un lanceur d’alerte à effectuer un signalement ou une divulgation dans le respect des articles 6 et 8 ;” Le terme de “facilitateur” peut faire référence aux témoins dans le cadre du signalement, qui prévoit aussi la mise en place de mesure de protection [ 6 ]. Un point intéressant à souligner dès à présent est le fait que le référent alerte est obligatoire pour les personnes morales de droit public (sous critères exposés dans la partie 4 de l’article), ainsi que pour les personnes morales de droit privé, contrairement au dispositif de signalement, propre à la fonction publique. On peut aussi ajouter que l’article 8 du décret 2022-1284 dispose que le Référent Alerte peut être une personne physique ou morale. 2. Procédure de recueil des signalements. Quelle méthodologie est employée par les membres des unités de recueil des signalements et y a-t-il une différence de traitement avec celle du référent alerte ? Les modalités de recueil se situent dans le décret 2022-1289 pour le référent alerte et le décret 2020-256 pour le dispositif de signalement. Dans les deux cas, la procédure n’est pas prévue dans les décrets d’applications et seules des contraintes générales / lignes directrices sont données.Pour le référent alerte, l’article 4 dispose que le signalement peut être écrit ou oral selon ce que prévoit la procédure, en ouvrant la possibilité de la voie orale, dans le cadre d’un rendez-vous téléphonique ou en présentiel. Le délai pour cet entretien est fixé à 20 jours ouvrés maximum, et à encore 7 jours ouvrés pour informer par écrit la réception du signalement. Le dispositif de signalement doit informer sans délai l’auteur du signalement de la réception de ce dernier [ 7 ]. Les canaux du référent alerte et du dispositif de signalement doivent permettre la transmission de tout élément indépendamment de sa forme ou de son support [ 8 ]. Les deux procédures de recueil relevant de la procédure interne et les décrets ne posant que les principes généraux exposés ci-dessus, elles n’entrent en vigueur qu’après leur passage devant les instances de dialogue social. 3. La finalité des deux dispositifs. Les deux dispositifs présentent deux finalités distinctes. La notion d’ “orientation” des agents est au cœur du dispositif de signalement. Le dispositif est créé et fait pour le bien-être des agents victimes et pour les protéger. La mise en place du référent alerte suit, en revanche, une autre finalité, à savoir qu’en protégeant l’anonymat du lanceur d’alerte les alertes pourront être recueillies et que l’autorité territoriale pourra y remédier avant que l’image de l’administration ne soit écornée par un scandale. Le dispositif de signalement, dans sa mission de protection des agents, s’organise en trois phases selon les modalités de l’article 1 du décret [ 9 ]2020-256 : le recueil des signalements de la victime ou des témoins ; l’orientation de la victime vers des professionnels compétents pour leur accompagnement et leur soutien ; l’orientation des victimes ou des témoins vers les autorités compétentes en matière de protection fonctionnelle et d’enquête administrative. L’orientation de la victime vers les professionnels compétents est très importante puisque cela retourne au fondement de la mission du dispositif de signalement, l’orientation pour le soutien de l’agent victime. Ce soutien peut prendre la forme d’une aide juridique ou psychologique. Avant même d’adresser la victime vers ces professionnels, le dispositif de signalement est régulièrement composé de juristes et de psychologues. L’un des points qu’il est néanmoins nécessaire de souligner est la perte de l’anonymat si l’orientation du dispositif de signalement vers des juristes conduit à l’ouverture d’une procédure juridictionnelle. En effet, l’agent victime est en droit de saisir la juridiction compétente en parallèle à l’enquête administrative en cours. Dans le même cas, si l’alerte du lanceur d’alerte doit sortir de la procédure de recueil des alertes internes, avec notamment la saisine du procureur par le référent alerte, l’anonymat du lanceur d’alerte ne saurait être garanti. Quant aux moyens d’actions potentiels à mettre en place par le référent alerte, ils restent flous, le décret ne mentionnant dans son article 4 que « lorsque les allégations lui paraissent avérées, l’entité met en œuvre les moyens à sa disposition pour remédier à l’objet du signalement. » Ce manque de clarté vis-à-vis des moyens qu’il est possible de mettre en œuvre laisse une très grande marge d’appréciation quant à ses compétences. En outre, dans certains CDG, le référent alerte est aussi à la tête du dispositif de signalement : cela peut-il créer un problème ? Il apparaît que non, au vu des moyens de mise en place et aux objets similaires de ces dispositifs. Cependant, la question peut être problématique lorsque le référent déontologue, chargé d’apporter tout conseil utile pour le respect des principes de déontologie, est aussi nommé, comme souvent, référent alerte. En plus de créer un potentiel conflit d’intérêt, cela nous questionne sur la mise en place de cette double casquette par la fusion d’une compétence obligatoire et facultative des centres de gestions. La protection des lanceurs d’alerte fait intégralement partie de la loi créant le référent alerte, mais il faut souligner qu’elle ne dépend pas de ce dernier, qui n’est que le garant de l’anonymat du lanceur et de la transmission du dossier, et que ce principe est souvent mis à mal (l’autorité hiérarchique réussit la plupart du temps à savoir qui est le lanceur). Cette notion tient plus du respect d’une procédure de l’alerte dans laquelle le référent alerte ou l’autorité hiérarchique n’est même plus impérativement dans la procédure. 4. Mise en place dans la fonction publique territoriale. Le dispositif de signalement et le référent alerte sont souvent mis en place par des conventions entre les centres de gestion et les collectivités qui le souhaitent, mais peuvent aussi être prévus directement par l’autorité territoriale en interne de la collectivité. Ce point est très important car dans son pouvoir de désignation du référent alerte et du dispositif de signalement, le supérieur hiérarchique peut externaliser le service à une société spécialisée, comme le CDG 69 en a fait le choix [ 10 ]. Le fait que le service soit externalisé ne veut pas dire que le moyen de gestion n’est pas interne (pour notre exemple le CDG reste pilote), mais simplement que l’objectivité du dispositif est garantie aux yeux des agents. En effet, les moyens externes sont visés au chapitre 2 du décret n°2022-1284. Deux compétences facultatives, avec réserve Le dispositif de signalement est une compétence facultative des centres de gestion, tout comme le référent alerte. Cependant, leur mise en place semble avoir un caractère contraignant différent. L’article L452-43 du CGFP [ 11 ] dispose ainsi pour la mise en place du dispositif de signalement que : « Sur demande des collectivités et établissements mentionnés à l’article L452-1, situés dans leur ressort territorial, les centres de gestion mettent en place le dispositif de signalement prévu à la section 2 du chapitre V du titre III du livre Ier ayant pour objet de recueillir les signalements des agents qui s’estiment victimes d’un acte de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel ou d’agissements sexistes ». En revanche, l’article L452-43-1 prévoit la mise en place du référent alerte par les Cdg dans les conditions suivantes : « Les centres de gestion peuvent mettre en place, pour le compte des communes et de leurs établissements publics qui en font la demande, la procédure de recueil et de traitement des signalements prévue au deuxième alinéa du B du I de l’article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ». Ce que nous remarquons dans la tournure de la rédaction de ces deux articles, c’est que les Cdg sont obligés de proposer à leurs collectivités membres des conventions d’adhésion au service du dispositif de signalement, alors que la procédure de recueil des signalements en la personne du référent alerte, n’est qu’une compétence facultative qui offre la liberté de proposition. Cette différence de proposition du service peut émaner de la condition de mise en place du service, qui est différente. Le dispositif de signalement est obligatoirement mis en place dans toutes les collectivités [ 12 ], alors que le référent alerte suit des modalités de mise en place dépendant du nombre d’agents et d’habitants.Il est obligatoire pour : les personnes morales de droit public employant plus de 50 agents, les Communes de plus de 10 000 habitants, les Départements et les Régions avec leurs établissements publics relatifs, les Établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins une commune de plus de 10 000 habitants. Le seuil des 50 agents veut-il dire que le référent alerte pourrait reprendre la compétence du dispositif de signalement lorsqu’il est franchi ? On peut aussi faire le parallèle avec la loi du 20 avril 2016 qui pose le principe que les agents publics peuvent consulter un référent déontologue, chargé d’apporter tout conseil utile au respect des obligations et des principes déontologiques mentionnés par le statut général. Cette loi s’est transformée par l’ordonnance n°2021-1574 par l’article 214-2 du code Général de la fonction publique. Le référent déontologue est donc compétent pour apporter tout conseil utile au respect des obligations, le dispositif de signalement est là pour accompagner une victime… mais s’il y a victime au sein de l’administration, il y a non-respect de la déontologie. De plus, une ambiguïté subsiste avec le II de l’article 5 du Décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte dispose que : « Dans les organismes mentionnés aux articles L. 3 à L. 5 du code général de la fonction publique, le référent déontologue mentionné à l’article L124-2 du même code peut être chargé du recueil et, le cas échéant, du traitement des signalements ». On remarque donc que les missions de référent alerte peuvent donc être prises en charge par le référent déontologue, qui est une compétence obligatoire des centres de gestion. Un doute demeure donc dans la fusion vis-à-vis de la facturation qui peut en découler. En effet, le référent déontologue étant une compétence obligatoire, cette dernière est prise en charge par la cotisation obligatoire que les collectivités affiliées versent au CDG. De surcroît, les deux dispositifs (signalement et alerte) sont liés aux droits et obligations des agents publics et à la déontologie, mais le décret n°2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n°2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte va au-delà d’un simple lien en disposant dans son article 5 que le référent déontologue peut être chargé du recueil et du traitement des signalements [ 13 ]. Au niveau du coût du service du dispositif de signalement, on remarque une différence de facturation mise en place par les centres de gestion, certains avec une approche forfaitaire dépendante du nombre d’agents, d’autres facturant le service au dossier.A titre de comparaison : le CDG 40 a décidé de mettre en place un référent alerte et un référent signalement (dispositif de signalement) gratuitement [ 14 ] [ 15 ] ; le CDG 14 facture le service du dispositif de signalement à 335 € par signalement et ne semble pas proposer la mission de référent alerte [ 16 ] ; le CDG 31 propose les compétences de référent déontologue et laïcité et alerte, via un forfait de 5€ par agent de la collectivité par an à quoi s’ajoute une facture de 125 à 250 € par dossier traité par le référent alerte en fonction de sa complexité [ 17 ]. Pour le dispositif de signalement, la mission est réalisée au titre de l’affiliation ou l’adhésion pendant un an pour les collectivités affiliées et adhérentes, et est basé sur un forfait de 10 € par agent par an avec une facturation de 250 à 500€ en fonction de la complexité du dossier pour les autres collectivités [ 18 ]. On voit avec ces trois exemples qu’il existe une grande hétérogénéité dans la proposition faite aux collectivités par les Cdg. 5. Ni concordance, ni redondance, mais cohérence et interdépendance des compétences ? Le dispositif de signalement, par sa mission d’orientation vers l’autorité compétente, peut orienter l’agent victime vers le référent alerte, les faits résultant du dispositif de signalement étant tous au moins délictuels. De plus, concernant la protection des lanceurs d’alerte, la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 modifiée par la loi Waserman dispose dans son article 10-1 que : « Dans les mêmes conditions, les personnes autres que celles mentionnées au premier alinéa du présent II ne peuvent faire l’objet de mesures de représailles, ni de menaces ou de tentatives de recourir à ces mesures, notamment sous les formes suivantes :1° Suspension, mise à pied, licenciement ou mesures équivalentes ; 2° Rétrogradation ou refus de promotion ; 3° Transfert de fonctions, changement de lieu de travail, réduction de salaire, modification des horaires de travail ; 4° Suspension de la formation ; 5° Evaluation de performance ou attestation de travail négative ; 6° Mesures disciplinaires imposées ou administrées, réprimande ou autre sanction, y compris une sanction financière ; 7° Coercition, intimidation, harcèlement ou ostracisme ; 8° Discrimination, traitement désavantageux ou injuste ; 9° Non-conversion d’un contrat de travail à durée déterminée ou d’un contrat temporaire en un contrat permanent, lorsque le travailleur pouvait légitimement espérer se voir offrir un emploi permanent ; 10° Non-renouvellement ou résiliation anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée ou d’un contrat temporaire ; 11° Préjudice, y compris les atteintes à la réputation de la personne, en particulier sur un service de communication au public en ligne, ou pertes financières, y compris la perte d’activité et la perte de revenu ; 12° Mise sur liste noire sur la base d’un accord formel ou informel à l’échelle sectorielle ou de la branche d’activité, pouvant impliquer que la personne ne trouvera pas d’emploi à l’avenir dans le secteur ou la branche d’activité ; 13° Résiliation anticipée ou annulation d’un contrat pour des biens ou des services ; 14° Annulation d’une licence ou d’un permis ; 15° Orientation abusive vers un traitement psychiatrique ou médical.Tout acte ou décision pris en méconnaissance du présent II est nul de plein droit ». Les 15 points explicitement indiqués dans cet article peuvent tous être résumés en les termes de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel et des agissements sexistes pour lesquels le dispositif de signalement est compétent [ 19 ]. On voit donc qu’en fonction des cas, le dispositif de signalement saisit en premier pourra orienter la victime vers le référent alerte, et qu’il est aussi possible qu’un alerteur soit amené à saisir le dispositif de signalement. Cette affirmation peut nous pousser à la réflexion quant au besoin de fusion de ces deux dispositifs, étant redondant pour une partie de leur objet de saisine, dans l’après saisine, et dans l’utilité de privilégier le canal de saisine interne qui a été largement sacrifié par la loi Waserman au profit des canaux externes. Pour conclure, on montre que les finalités des recueils peuvent être différentes, ou pas en fonction de leur mise en place, mais que dans tous les cas cela reste lacunaire. Il faut simplifier et au vu des compétences proches, un avantage semble à tirer de leur fusion, pour ne garder qu’un canal interne puisque la finalité privilégiée de ces canaux est le volet disciplinaire. Et finalement, on pourrait se demander si ça ne deviendrait pas l’unique avantage pour un agent de continuer à lancer des alertes par la procédure de recueil interne (au lieu de passer par l’externe), à savoir : les compétences du dispositif de signalement pour l’orientation, l’accompagnement, le soutien et l’orientation vers les autorités compétentes en matière de protection fonctionnelle et d’enquête administrative. Dans la même philosophie du guichet unique, de n’avoir qu’un seul tiers de confiance compétent pour toutes ces problématiques et sur toute la durée de leur résolution. En effet, le dispositif de signalement s’insère dans la continuité du dispositif d’alerte interne en répondant mieux que le référent alerte en matière de protection des lanceurs d’alertes. Ainsi, on est en droit de se demander s’ il n’y a pas une nécessité de concilier les deux dispositifs, et si le dispositif de signalement peut revêtir, par sa mission d’orientation et au regard de la loi Waserman, la qualification de “facilitateur". Certaines questions restent actuellement en suspens, à savoir si une décharge de l’article 40 du code de procédure pénal [ 20 ] pour les membres du dispositif de signalement et pour le référent alerte est permise. L’application de cet article enlèverait toute l’utilité de ces dispositifs… Cette question actuellement sans réponse est une lacune excusable pour la mise en place du référent alerte, qui est issu de dispositions anticorruption applicables en priorité pour la sphère des entreprises privées ; ce qui n’est pas le cas pour le dispositif de signalement. [ 1 ] Version initiale de la loi Sapin II. [ 2 ] 1° Aux membres du personnel, aux personnes dont la relation de travail s’est terminée, lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de cette relation, et aux personnes qui se sont portées candidates à un emploi au sein de l’entité concernée, lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de cette candidature ;2° Aux actionnaires, aux associés et aux titulaires de droits de vote au sein de l’assemblée générale de l’entité ;3° Aux membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance ;4° Aux collaborateurs extérieurs et occasionnels ;5° Aux cocontractants de l’entité concernée, à leurs sous-traitants ou, lorsqu’il s’agit de personnes morales, aux membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de ces cocontractants et sous-traitants ainsi qu’aux membres de leur personnel. [ 3 ] La saisine du procureur reste néanmoins toujours possible puisque aucun régime d’exemption issu des sources légales du référent alerte, et du dispositif de signalement, n’est prévue, ce qui a pour conséquence l’application de l’article 40 du code de procédure pénal. [ 4 ] Ses compétences sont disposées dans le Chapitre 1 du décret sur les “procédures internes de recueil et de traitement des signalements”. [ 5 ] Chapitre II : Des atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne (Articles 222-1 à 222-67). [ 6 ] Article 3 IV. du décret 2020-256 du 13 mars 2020 relatif au dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes dans la fonction publique. [ 7 ] Article 3 du décret 2020-256 du 13 mars 2020 relatif au dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes dans la fonction publique. [ 8 ] Article 4 du décret 2022-1284 pour le référent alerte et article 3, 2° du décret 2020-256 pour le dispositif de signalement. [ 9 ] Article 1 du Décret 2020-256 du 13 mars 2020 relatif au dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes dans la fonction publiqueLe dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel et des agissements sexistes prévu par l’article 6 quater A de la loi du 13 juillet 1983 susvisée comporte :1° Une procédure de recueil des signalements effectués par les agents s’estimant victimes ou témoins de tels actes ou agissements ;2° Une procédure d’orientation des agents s’estimant victimes de tels actes ou agissements vers les services et professionnels compétents chargés de leur accompagnement et de leur soutien ;3° Une procédure d’orientation des agents s’estimant victimes ou témoins de tels actes ou agissements vers les autorités compétentes pour prendre toute mesure de protection fonctionnelle appropriée et assurer le traitement des faits signalés, notamment par la réalisation d’une enquête administrative. [ 10 ] https://extranet.cdg69.fr/dispositif-signalement-0 [ 11 ] Ajout de la loi Waserman dans son article 3. [ 12 ] Article 8 du décret Décret n° 2020-256 du 13 mars 2020.Les administrations, collectivités territoriales ou établissements publics relevant de l’article 2 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée mettent en place le dispositif de signalement régi par le présent décret au plus tard le 1er mai 2020. [ 13 ] « Dans les organismes mentionnés aux articles L. 3 à L. 5 du code général de la fonction publique, le référent déontologue mentionné à l’article L. 124-2 du même code peut être chargé du recueil et, le cas échéant, du traitement des signalements ». [ 14 ] https://cdg40.fr/actualites.php?num=660 / délibération du Conseil d’Administration en date du 17 novembre 2020. [ 15 ] La délibération du conseil d’administration du centre de gestion des Landes en date du 30 juin 2021 relatif à la mise en place d’un conventionnement avec les collectivités affiliées ou non affiliées sur le dispositif de signalement visé par le décret 2020-256 du 13/03/2020. [ 16 ] Délibération n°2021/021 en date du 7 juillet 2021 du conseil d’administration du Centre de Gestion du Calvados déterminant les tarifs de la mission optionnelle mutualisée « référent signalement ». [ 17 ] Délibération n°2019-31 du conseil d’administration du CDG 31. [ 18 ] https://www.cdg31.fr/file/106596/download?token=5zhV-wE0 [ 19 ] Article 1 du Décret n° 2020-256 du 13 mars 2020 relatif au dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes dans la fonction publique. [ 20 ] Qui impose pour toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire, dans l’exercice de leurs fonctions », de signaler des crimes ou délits dont il a connaissance.
- L’apport de la déontologie dans la sanction disciplinaire : l’enjeu de la légitimité de l’autorité territoriale.
La perception de la déontologie sur les agents de la fonction publique territoriale paraît-elle légitime pour justifier le recours au spectre disciplinaire en cas de faute ? A l’heure où le sens au travail prend une importance chez les employés et où la déontologie se développe, il faut que l’autorité territoriale prenne ses responsabilités quant à ce développement en l’intégrant au management des agents publics. - Au sommaire de cet article... I) La déontologie dans la fonction publique, nouvel enjeu d’autorité. A) La restauration de la légitimité de l’autorité territoriale. B) Les moyens déontologiques à dispositions des collectivités et des agents. II) Usage du disciplinaire et risque de perte de légitimité. A) La recherche de la proportionnalité de la sanction appliquée à la faute. B) La finalité de la sanction. L’enjeu pour cette dernière est de comprendre en quoi la déontologie diffère d’une simple articulation des droits et devoirs des agents publics propre à leur statut, et d’intégrer que la déontologie doit être réciproque. Le management par la sanction pour les manquements à la déontologie est contre-productif et nuit à la santé mentale des effectifs en renforçant la perte de sens au travail et le sentiment persistant d’injustice. La déontologie prendra réellement son essor lorsqu’elle permettra de créer un consensus de valeur au sein de la collectivité. Pour ce faire, elle doit respecter une éthique qui doit se détacher du caractère fautif d’un comportement, et ainsi ne plus être attachée qu’au pouvoir disciplinaire de l’employeur ; en comptant notamment sur les référents déontologues, les cartographies de risques d’atteintes à la probité et les chartes de déontologies. I) La déontologie dans la fonction publique, nouvel enjeu d’autorité. La déontologie, l’éthique et la morale ont beaucoup de définitions résultant de la finalité recherchée [ 1 ]. Pour certains auteurs, l’éthique se distingue par son caractère social ou la morale est personnelle alors que la déontologie résulte d’une éthique professionnelle. Pour d’autres, la déontologie, selon les mots de l’inventeur du terme J. Bentham, se définit comme l’éthique dicastique [ 2 ], en opposition à l’éthique exégétique, alors que la morale ne se résume qu’en la traduction latine de l’éthique des Grecs [ 3 ]. Nous préférons reprendre les termes de son fondateur, J.Bentham, en définissant l’éthique dicastique comme l’éthique qui impose toutes sortes de règles et d’interdits, y compris la loi et les normes sociales. Par complémentarité se trouve l’éthique exégétique qui prend son fondement dans la recherche d’un bien commun en la somme des biens individuels. A) La restauration de la légitimité de l’autorité territoriale. Pour comprendre la notion de légitimité de l’autorité, qu’elle soit territoriale ou étatique, il faut se plonger dans les ouvrages de Max Weber avec dans un premier temps la différence entre la puissance et l’autorité. La puissance désigne « toute chance de faire triompher sa propre volonté sur celle d’autrui, peu importe sur quoi repose cette chance » [ 4 ] et l’autorité repose sur « un minimum de volonté d’obéir » [ 5 ]. Cette distinction est alors cruciale, l’acteur étant une personne publique et étant compétent sur les pouvoirs régaliens. Cependant, il faut rappeler que cette oligopole (répartie entre l’état, les préfets et les maires, mais monopole si on ne souhaite présenter que le pouvoir déconcentré) n’est que la conséquence de l’autorité et le fondement de la violence légale et que cet article traite avant tout de la relation qu’entretient l’autorité territoriale avec ses propres agents. La naissance de la déontologie actuelle vient de cette volonté de redonner aux citoyens la confiance déclinante envers la fonction publique [ 6 ]. Le terme de déontologie n’ayant pas été choisi aléatoirement, il en découle des chartes et des moyens de contrôle de certains acteurs de la fonction publique. On peut déjà constater que l’enjeu premier de la déontologie, à travers ses obligations pour la transparence, est de ne pas tomber dans une domination traditionnelle mais de bien justifier la domination légale. Cette domination légale passe par les rappels tels que le bienfondé de l’Etat de droit, ce qui retombe indubitablement sur ses représentants : les agents publics (et les élus dans une moindre mesure (en termes d’obligations)). En découle le régime des droits et obligations des agents publics, avec la neutralité, l’obligation d’obéissance hiérarchique, l’obligation de service et le principe de non cumul d’activité, de dignité, d’impartialité, d’intégrité et de probité, principe de laïcité et d’égalité de traitement, la prévention des conflits d’intérêts, l’obligation de secret et de discrétion professionnel, l’obligation de réserve [ 7 ]… Toutes ces obligations découlent de la déontologie, basée sur l’éthique ou la morale en fonction des traductions. Si on retourne sur l’interprétation Wébérienne avec la différence entre la puissance et l’autorité, on voit que l’une comme l’autre trouve son fondement dans le management des agents publics. En effet, leur obligation peut alors émaner de la puissance de l’autorité territoriale, pour assurer une autorité sur les citoyens, même si la forme de l’autorité reste à privilégier. Il en découle aussi que l’autorité est une force de commandement qui exclut le recours à la sanction pour ne pas être caractérisée de puissance ; d’où les moyens déontologiques préventif qui se créent en amont, puisque la sanction commence où s’arrête l’autorité. Et que la déontologie vise à valoriser la légitimité qui résulte forcément de l’autorité. La légitimité de sanctionner découle donc d’un manquement à la déontologie par les agents d’une autorité territoriale qui aurait failli en son pouvoir d’autorité, devant ainsi se contraindre à devenir un pouvoir territorial. La légitimité de la sanction est apportée en l’espèce de l’article Article L530-1 : « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. Les dispositions de cet article sont applicables aux agents contractuels ». Cependant, la déontologie, dans son caractère dicastique se référant aux différents codes et articles visant à rendre la fonction publique exemplaire, il semble que cet article soit hors de propos, pour ne pas légitimer un moyen par lui-même. Ainsi, on peut se questionner sur le caractère légal mais illégitime de la sanction. La légitimité morale de la sanction semble être l’argument à chercher dans les exigences axiologiques de la gestion moderne des collectivités et ce dernier semble devoir passer par les moyens préventifs à la sanction. En effet, il semble impossible de se baser sur les notions morale, innée ou acquise, attendu que bien qu’œuvrant pour l’intérêt général, une récente étude sur le sens donné au travail chez les agents publics démontre que 80% déclarent même être confrontés " régulièrement " ou " très fréquemment " à ce sentiment d’absurdité dans l’exercice de leur travail [ 8 ]. B) Les moyens déontologiques à dispositions des collectivités et des agents. Autre que le régime disciplinaire qui ne doit pas figurer dans les moyens d’autorité de la mise en place de la déontologie dans la fonction publique, on trouve le droit. Les termes qui relèvent des obligations des agents publics, disposés aux " titre II du Code général de la fonction publique ", ne sont pas compréhensibles dans leurs implications concrètes. L’on préfère alors dans un premier temps à ce droit dur, un droit mou par les chartes de déontologie. La mise en place d’une charte de déontologie n’a pas de valeur contraignante si cette dernière concerne les agents [ 9 ]. Par extension on trouve la charte de déontologie des élus qui elle à une valeur normative puisque disposée à l’article 111-1.1 du CGCT mais qui porte les mêmes griefs que le droit dur. De ce fait, les chartes de déontologie doivent être mises en place pour les agents et pour les élus, même si le régime de sanction est différent. Outre la différence du régime de sanction, on peut s’interroger sur la valeur juridique et éthique de ces documents. En effet, qualifiés de document hybride, ils n’ont pas en eux même de valeur juridique mais en ce qu’ils expliquent concrètement les bonnes pratiques en matière de droit et obligations des agents publics ils se basent sur des sources légales et en cela peuvent faire l’objet de sanctions pénales. Il faut néanmoins noter qu’en dehors du caractère pénal, la charte peut avoir une valeur contraignante au titre de règlement intérieur, et ainsi faire l’objet de sanctions, d’où notre interrogation sur leur légitimité. Ces chartes de déontologie, pour être utiles, ne doivent pas se borner à paraphraser les articles déjà en vigueur mais doivent avoir un aspect pédagogique. Elle doit éviter le piège de codifier pour codifier, et doit avoir une vertu pédagogique et de consensus pour éviter les travers déjà trop connus du droit : " Les lois et les droits se transmettent comme une maladie éternelle ; ils se traînent de génération en génération, et passent sans bruit de lieux en lieux. La raison devient folie, le bienfait devient tourment " [ 10 ]. C’est d’ailleurs dans ce même sens que va le nouveau mode de rédaction de la Cour de cassation, vers une simplification de son style rédactionnel pour une meilleure compréhension et accessibilité. Ainsi pour que l’outil atteigne son objectif préventif aux sanctions et donc aux fautes, il se doit d’être compréhensible, précis et partagé au sein de la collectivité. Pour créer le consensus autour de ce document, et ainsi bénéficier de son plein potentiel, il doit faire figure d’autorité, et dans cet objectif, doit avoir un caractère contraignant et persuasif [ 11 ]. Puisqu’il est question de légitimité, ce document ne peut pas s’arrêter à des dispositions mais doit être le relai de la transmission de valeurs communes. C’est en cela que la charte doit refléter un cadre socialisant pour que la sanction qui puisse en découler en cas de méconnaissance des obligations soit efficace et intégré dans un dispositif plus global de responsabilisation. L’affirmation « se conduire moralement, c’est agir suivant une norme, déterminant la conduite à tenir dans le cas donné avant même que nous n’ayons été nécessité à prendre un parti » [ 12 ] nous pousse à croire en l’exhaustivité que doit se procurer ce document, et de l’engagement la responsabilité de l’employeur en cas de manquements. Pourtant, en pratique, peu de chartes de déontologie apportent une plus-value sur les textes en vigueur, et aucune n’a été construite avec les agents. Pour les agents, le référent déontologue est le second moyen de promouvoir, non pas la déontologie, mais la légitimité de la valeur contraignante des décrets et des lois relatives à leurs droits et obligations. En effet ce dernier, est chargé par l’article L124-2 [ 13 ] d’apporter tout conseil utile aux agents qui le demandent. La réserve de l’aide apportée par le référent déontologue étant conditionnée à la demande de l’agent, on voit l’importance du déploiement de la sensibilisation aux obligations déontologiques, via la charte. Le référent déontologue est obligatoire pour toutes les collectivités, en prenant forme pour les plus petites comme une compétence obligatoire des centres de gestion de la fonction publique territoriale [ 14 ]. Pourtant peu de moyens de promotion de ce dispositif ont été mis en place, ayant pour résultat évident le peu de saisines de ce dernier et donc le peu de conseils apportés aux agents. Enfin, un troisième volet réside en la place de la cartographie de risques d’atteintes à la probité dont la mise en place est fortement recommandée par l’AFA [ 15 ]. Ce document recense, hiérarchise et vise à corriger tous les risques d’atteintes à la déontologie en visant les termes disposés dans la loi Sapin II qui regroupe la corruption, la concussion, le trafic d’influence, la prise illégale d’intérêts… Cet instrument est déjà obligatoire pour quelques grands établissements publics dont l’enjeu financier est particulier [ 16 ]. On peut donc constater que, dans la majorité des collectivités dans lesquelles ce n’est pas obligatoire, l’employeur peut se contenter d’un régime de sanction a posteriori , sans n’avoir rien prévu pour se prémunir du risque. Or, les principes déontologiques s’imposant à tous les agents, il est regrettable de n’en prémunir qu’une partie, laissant l’autre à une libre appréciation d’une morale personnelle et pouvant le cas échéant, le spectre des atteintes à la probité étant suffisamment vaste, être caractérisée de faute. Il en est d’autant plus regrettable qu’en particulier les atteintes à la probité relèvent aussi d’un caractère pénal, ayant comme résultat une potentielle double sanction de l’agent fautif. On peut aussi, mais ce sera l’objet de la seconde partie, s’interroger sur la perception de la légitimité de la sanction lorsqu’elle résulte d’une faute non intentionnelle. Il en va de même sur le nouveau régime de sanction qui résulte de la réforme de la responsabilité des gestionnaires publics [ 17 ] qui s’interroge exclusivement sur le caractère fautif et financièrement préjudiciable des fautes commises par les agents. Le constat que nous pouvons établir est qu’entre autre, les chartes, la place du référent déontologue, les cartographies de risques ont beaucoup de difficulté à démontrer leur efficacité et donc à être mises en place car l’autorité territoriale n’y voit en général que peu d’intérêt, préférant se référer à la loi plutôt qu’à la création de leur propre charte. Pourtant, pour la cohésion et un consensus des affectifs en la notion d’intérêt général et en matière d’autorité, le droit est et doit rester " le dernier langage commun disponible dans une société de type libéral (…). Autrement dit, tant que les acteurs sociaux partageaient un certain nombre de convictions et de références morales et politiques communes, le droit ne jouait qu’un rôle secondaire : celui d’étai ou de rail de sécurité ; mais à présent que ces axiologies partagées font défaut, que règne le pluralisme des idées, des références et des valeurs, le droit est investi d’enjeux beaucoup plus décisifs et souffre d’un extraordinaire report de charge " [ 18 ]. D’où un questionnement général sur la place de la déontologie, définie par son créateur comme l’éthique distique, qui, en se bornant à un instrument de codification, manque à associer les agents dans la mise en place de la déontologie, par le concours de l’éthique exégétique ? Dans l’absolu, on peut partir du principe que l’exégétique mène à l’autre, mais cette logique n’est valable que si on oublie le régime des sanctions et leurs effets. En effet, la légitimité de la sanction ne sera pas la même si elle est dépourvue du consensus et de la représentation des valeurs communes de la collectivité. L’agent fautif ne bénéficiera pas de la même acceptation de la sanction en cas de faute … On peut donc se demander, puisque tout manquement peut se traduire par des sanctions, comment, en ne mettant que peu d’instruments d’accompagnement des agents dans leur obligations, l’autorité peut intégrer positivement des sanctions ? II) Usage du disciplinaire et risque de perte de légitimité. L’utilisation par l’autorité de son pouvoir disciplinaire lorsqu’elle prend la décision de sanctionner un comportement fautif ne se fait pas sans conséquences, pour le fautif mais aussi pour elle-même avec l’intervention de son pouvoir managérial. Deux questions se posent alors, celui de l’intérêt à sanctionner qui ne peut être déconnecté de la recherche de la proportionnalité de la sanction appliquée à la faute en fonction de plusieurs critères d’atténuation ou d’accentuation à la discrétion de l’autorité et au cas par cas. A) La recherche de la proportionnalité de la sanction appliquée à la faute. Comme énoncé précédemment, la réponse à la faute est apportée par la sanction. Et lorsqu’il y a sanction, il y a transition de l’autorité vers la puissance, impliquant la perte du minimum de volonté d’obéir, et de fédérer ; ce qui pose un problème en termes de confiance et qui rend hors sujet la déontologie dans son objectif de redonner la confiance des citoyens envers leurs institutions, les agents étant aussi des citoyens. Déjà, s’il faut que les agents respectent la déontologie, il est du devoir déontologique de présenter et sensibiliser les agents à leurs obligations. Puisque, à l’inverse de Guyau qui idéalise l’humanité en pensant que le progrès ferait disparaître le régime disciplinaire [ 19 ], on remarque la prévoyance de Durkheim : « D’un autre côté, puisque la morale est une discipline, puisqu’elle nous commande, c’est évidemment que les actes qu’elles réclament de nous ne sont pas selon la pente de notre nature individuelle. Si elle nous demandait simplement de suivre notre nature, elle n’aurait pas besoin de nous parler sur un ton impératif. L’autorité n’est nécessaire que pour arrêter, contenir des forces rebelles, non pour inviter des forces données à se développer dans leur sens. On a dit que la morale avait pour fonction d’empêcher l’individu d’empiéter sur des domaines qui lui sont interdits, et, en un sens, rien n’est plus exact. La morale est un vaste système d’interdits » [ 20 ]. Cet extrait nous montre l’utilité de la pédagogie avant les sanctions, et donc l’utilité de l’éthique exégétique. L’héritage de la philosophie platonicienne nous dit que l’autorité de la justice et de l’équité repose sur l’intervention d’un tiers neutre, impartial et désintéressé [ 21 ]. C’est donc, en matière de faute commise relevant d’une sanction disciplinaire supérieur au premier groupe, du ressort du conseil de discipline Leur formation collégiale et équilibrée [ 22 ] permet de remplir les conditions de la légitimité de l’autorité à sanctionner. Cependant, un autre point crucial est à prendre en compte, celui de la finalité de cette institution. En effet, les avis rendus par les conseils de disciplines ne sont que consultatifs [ 23 ], et l’autorité territoriale reste libre de le suivre ou non, et ainsi qu’appliquer une sanction plus ou moins lourde. L’autorité territoriale, dont le parti est celui de la première victime, des fautes commises par son agent (déontologiquement parlant puisque c’est son image qui est écornée) reste libre du pouvoir discrétionnaire. L’utilité du conseil de discipline peut donc être remise en cause, ainsi que la légitimité de la sanction prononcée par la collectivité si elle s’émancipe de l’avis rendu par le conseil. La collectivité ne sera pas apte, manquant de recul sur elle-même, à prendre comme critères d’atténuation de la faute le manque de moyens déontologiques préventifs qui lui incombe. Ainsi, en sanctionnant l’agent, elle sanctionne sa propre incompétence à développer la déontologie dans sa structure et en le faisant peser sur un tiers. Cette finalité n’a aucune vertu morale, et ne permet qu’une loi du talion [ 24 ] biaisée. L’une des limites à apporter à ce raisonnement réside dans la possibilité de recours devant les juges de l’excès de pouvoir, pour dénoncer le caractère disproportionné de la faute. Cependant il faut prendre en compte deux éléments pour s’assurer du bienfondé de cette possibilité. Le premier : « tant que les acteurs sociaux partageaient un certain nombre de convictions et de références morales et politiques communes, le droit ne jouait qu’un rôle secondaire : celui d’étai ou de rail de sécurité » [ 25 ] donc le recours au juge administratif doit être considéré comme un échec de toute la déontologie ; et le deuxième réside dans le fait qu’une grande partie des agents préférera subir l’injustice d’une sanction, supporter l’illégitimité d’une autorité plutôt que de " mordre la main qui le nourrit ". Dans tous les cas, la sanction n’aura aucune vertu sur l’agent ou sur la collectivité.L’incompréhension de la sanction peut aussi faire l’objet d’un sentiment d’acharnement institutionnel : on pense à tort qu’on ne peut pas être puni deux fois pour la même faute, pourtant, l’on trouve le régime disciplinaire et le régime pénal, tous deux indépendants et à la recherche de la proportionnalité de la faute, ce qui présume qu’une faute peut induire une sanction proportionnelle en double. Ce raisonnement peut même être poussé à son paroxysme d’injustice puisque bien que l’objectivité de la juridiction pénale et que celle du conseil de discipline sont garanties, et donc leur bien fondé à se prononcer sur l’application d’une sanction à une faute ne peut être remis en cause, le jeu des moyens de preuve peut créer une différence sur le caractère fautif aux antipodes l’un de l’autre, ce qui crée nécessairement la perte du ressenti de légitimité d’au moins l’un d’entre eux. A ces deux volets peut s’ajouter les sanctions (sous peine d’amende) appliquées par les juridictions spécialisées [ 26 ], en prenant l’exemple des amendes infligées aux agents fautifs entrant dans le champ de la réforme de la responsabilité des gestionnaires publics. B) La finalité de la sanction. Comme nous l’avons vu, une sanction doit faire l’objet de proportionnalité. Cependant, cela implique un raisonnement qui confond la punition et la sanction. En effet, la sanction doit s’attacher à éradiquer des comportements alors que la punition ne sert qu’à une logique de soumission et châtiant l’individu fautif [ 27 ]. Cette distinction est plus parlante ici : " Si la punition sert à condamner un acte, elle a pour objectif l’empêchement de la satisfaction de cet acte et l’obéissance à l’adulte. La sanction, en tant que célébration, est une reconnaissance sociale portant sur un acte d’une personne. En tant que réprobation, la sanction s’adresse au sujet acteur pour une élaboration du sens et des conséquences [ 28 ]. Elle recherche une rupture des répétitions dans les relations de la personne au sein du groupe " [ 29 ]. La logique de proportionnalité de la sanction semble donc déraisonnée, plus appropriée au champ de la punition, (même si une sanction peut avoir un caractère punitif), et la question qui devrait résulter du régime disciplinaire devrait plutôt résider en la transmission de valeur qui peut s’opérer. Appliquée aux données que l’on a sur l’année 2021, on voit que les deux premiers motifs de sanctions [ 30 ] sont : la " Qualité de service ", représentant 61% des sanctions distribuées, et les "incorrections, violences, insultes, harcèlement moral" qui représente 15% du panel des 7 500 sanctions disciplinaires prononcées sur l’année. On peut remarquer que ces sanctions ne font pas nécessairement suite à de la méconnaissance du statut attendu que 88% sont à l’encontre de fonctionnaires (et non de contractuels). Le fonctionnaire ayant vocation à rester en poste, il est primordial de s’intéresser à la finalité de la sanction, attendu que l’effectif ne pourra pas être renouvelé en fonction de la volonté de l’employeur [ 31 ]. Il faut aussi noter la perte de confiance des agents en leur administration et la démotivation dans leur travail (qu’ils soient victimes de la sanction ou témoins). Les sanctions qui peuvent être appliquées aux agents sont disposées dans le Titre III du Code général de la fonction publique, et est traité plus précisément de l’article L530-1 à L533-6. Ainsi, le régime disciplinaire applicable à un fonctionnaire est les suivants : les sanctions qui peuvent être prises à l’encontre des fonctionnaires vont du simple avertissement à la révocation. (Celles pour les contractuels de droit public sont quelque peu différentes mais on y retrouve les principes d’avertissement, de blâme, l’exclusion temporaire, avec le terme de licenciement à la place de celui de radiation).Elles sont réparties en quatre groupes : 1er groupe : L’avertissement Le blâme L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours. 2ème groupe : La radiation du tableau d’avancement L’abaissement d’échelon à l’échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l’agent L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours. 3ème groupe : La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à un échelon correspondant à un indice égal ou immédiatement inférieur à celui détenu par l’agent L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans. 4ème groupe : La mise à la retraite d’office La révocation La radiation du tableau d’avancement peut également être prononcée à titre de sanction complémentaire d’une des sanctions des deuxième et troisième groupes. A la lecture de ce qu’une autorité territoriale peut appliquer pour soumettre l’agent, nous voyons que les sanctions résident en un caractère pécuniairement répréhensif et d’évincement de la collectivité. Il est regrettable de constater ce retard à l’heure ou la justice restaurative prend son essor [ 32 ]. Cette justice restaurative, qui prône avant le caractère matériel d’un tort l’objectif de restauration morale et émotionnelle. Pouvons-nous donc nous contenter de ces sanctions, données au nom de la déontologie alors que ces dernières ne comportent rien de moral ? Il est tentant de penser que la partie pédagogique d’une sanction, et donc sa mission morale, son empathie qui, lorsqu’elle se manifeste, empêche réellement les récidives (fonction de rétribution) réside dans le débat des arguments pour le respect du principe du contradictoire au sein du conseil de discipline. Il faut garder à l’esprit que le débat est uniquement orienté sur la faute et la sanction à lui appliquer. Ainsi, aucun bénéfice moral ne peut en être tiré et, dans les mêmes incompréhensions que la justice traditionnelle, on augmente la dureté de la sanction si on veut s’assurer qu’il n’y aura pas de récidives. Ainsi, plutôt que d’être éduqué, on exclut un agent, parfois deux ans ; des années pendant lesquelles il ne percevra pas de traitement donc pas de rémunération, et où les obligations déontologiques ne lui permettront pas de trouver un autre emploi (sauf cas particulier entrant dans le champ d’application du décret du 30 janvier 2020 et sous autorisation de l’autorité territoriale). On assiste donc, lorsqu’une sanction n’a pas d’autre finalité que de sanctionner, à une déontologie sans morale, à l’application de textes sans finalité et donc sans cohésion, et à une application du pouvoir stricte. " Mais qu’est-ce qu’un rappel à la loi si la loi est inique ? Qu’est-ce qu’un rappel à la loi si celle-ci n’est qu’une petite règle tatillonne ? Réfléchir sur la sanction, c’est toujours réfléchir en amont de celle-ci. Le sens et la lisibilité de la loi et plus fondamentalement la mise en place d’un véritable cadre socialisant sont une exigence essentielle car la sanction ne prend sens et efficience que comme élément d’un dispositif plus global où se nouent paroles, lois et responsabilités " [ 33 ]. Pourtant la légitimité de la sanction ne dépend que de sa vertu éducative en matière d’autorité territoriale. En effet, si le but est de punir ou si les agissements sont suffisamment graves il y aura une application du droit pénal. Or en l’état, les sanctions ne sont pas efficaces et créent un refus de l’autorité. En somme un effet inversement recherché. En l’état, les sanctions apparaissent comme des mesures d’urgence pour éloigner l’auteur des faits de la collectivité, ne se différenciant pas dans la finalité de la suspension de fonction [ 34 ]. Pour reprendre les 4 fonctions d’une sanction [ 35 ], classées par ordre croissant de plus-value pour le fautif et pour la collectivité : Fonction de prévention. La fonction de prévention générale tient en une intimidation collective dissuasive visant à prévenir voire empêcher les atteintes à la déontologie. Cependant, ce caractère de prévention semble complètement inutile, attendu qu’aucune certitude ne peut être affirmée quant à l’efficacité [ 36 ] et que la seule affirmation qui puisse en découler est " que la menace de la peine n’apparaît efficace, en principe, que pour les catégories de personnes pour lesquelles elle n’est pas utile " [ 37 ]. Fonction de réparation. La réparation implique la réparation par le fautif des dommages qui découlent de ses actes et elle peut avoir une forme plus symbolique que concrète [ 38 ]. Ce que l’on remarque, c’est que le régime de sanctions précédemment présenté l’exclu intégralement. Fonction de rétribution. C’est seulement dans cette fonction que le contrôle de proportionnalité par les juges trouve son utilité. La fonction de rétribution est punitive et vise à faire correspondre un mal équivalent à la faute commise. Et c’est justement la proportionnalité la condition majeure de l’efficacité de la fonction de rétribution d’une sanction. C’est d’ailleurs cette unique visée sur laquelle a été construit tout le système disciplinaire de la fonction publique. Cependant, il faut noter deux choses : Que si la sanction ne se borne qu’à une fonction de rétribution, elle n’est rien d’autre qu’une punition ; et que c’est cette même fonction de rétribution qui peut faire naître les sentiments d’injustice les plus profonds et donc impliquer le découragement des agents, quand elle n’est pas liée avec la quatrième fonction de la sanction. Fonction socio pédagogique. La fonction socio pédagogique [ 39 ] ou fonction expressive [ 40 ] s’exprime à travers des valeurs promues par la collectivité territoriale en visant à réparer le dommage social causé par la faute. Complètement absente du régime disciplinaire, cette fonction vise à se développer, en prenant exemple sur la justice restaurative. Ainsi, la priorité n’est plus punitive mais vise à remédier aux dommages résultant de la faute en aidant les victimes et en reconstruisant le lien social. Cette fonction permet de restaurer une légitimité de l’autorité dans la sanction en se concentrant sur l’aspect managérial de la collectivité. Ainsi, la sanction n’est plus destinée à punir en étant remisé qu’a sa fonction rétributive mais bien à transmettre des valeurs et donc compléter les moyens de préventions aux atteintes déontologiques. Pour l’heure, cette fonction n’est pas permise par la lecture du Code général de la fonction publique mais elle se développe dans d’autres outils comme la médiation ou l’évaluation du climat social. On regrette qu’elle ne soit pas intégrée à la sanction puisqu’elle représente la seule source de légitimité que peut avoir une autorité à sanctionner. En fait, le constat est simple, considérant le manque actuel de pédagogie dans les sanctions, et se renforce à chaque fois qu’un agent porte plainte contre son autorité territoriale à la suite d’une sanction, pour attaquer sa proportionnalité. Dans ces cas, on vérifie le fait que la légitimité de la sanction ne dépend que de sa capacité à engager positivement l’avenir de l’agent, et donc, dans ce qui nous intéresse : le régime disciplinaire interne, seule la fonction socio-pédagogique à de l’importance. Conclusion. Il résulte deux choses importantes à prendre en compte dans les conséquences des manquements à la déontologie sur le régime disciplinaire et un constat à faire. Pour commencer par le constat, c’est que la déontologie et le disciplinaire ont des conséquences individuelles sur la psychologie des agents, et collective sur le climat social qui peut en découler, et c’est pour cela que l’autorité territoriale ne doit pas méconnaitre ses propres obligations déontologiques résident dans la mise en place d’une politique axiologique fédératrice. Pour les choses importantes, la première à souligner est le fondement de la légitimité à sanctionner, que l’autorité perd nécessairement dans le champ disciplinaire, attendu que déguisé en sanctions, ses caractéristiques ne sont que punitives alors qu’elles restent légitimes si elles ont des fonctions pédagogiques. t la deuxième chose importante est que la précédente affirmation ne se vérifie qu’à l’unique condition que la pédagogie soit aussi présente (via les outils déontologiques) en dehors du champ disciplinaire. La déontologie gagne à être comprise et acceptée et s’il est du devoir des agents de respecter ses obligations, il en va de même pour l’autorité territoriale de les expliquer avant de condamner les manquements. [ 1 ] Chroniques de l’Observatoire de l’Éthique Publique (1/3) : Ethique, Déontologie et Transparence, des notions qui agitent philosophes et juristes. Publié le 19 octobre 2022 à Village de la Justice. Auteur : Jean-François Kerléo. [ 2 ] G. Bentham, Essai sur la nomenclature et la classification des principales branches d’art-et-science, 196 (Paris). [ 3 ] Recherche & Formation « Éthique ou morale ? » Jacques Lagarrigue, Guy Lebe p122. [ 4 ] Weber, 1995, p. 285. [ 5 ] Weber, 1995, p. 95. [ 6 ] Guide déontologique I, HATVP, publié le 16 avril 2019. [ 7 ] Titre II : Obligations (Articles L121-1 à L125-3), Code général de la fonction publique. [ 8 ] Perte de sens chez les agents du service public, collectif nos agents publics, dossier septembre 2021 https://www.bibliotheque-initiatives.fonction-publique.gouv.fr/files/2021-09/perte-sens.pdf [ 9 ] Elles peuvent néanmoins s’y apparenter si elles sont intégrées au règlement intérieur de la structure. [ 10 ] Faust (Goethe, trad. Porchat). [ 11 ] Kojève : La notion de l’Autorité (1942). [ 12 ] É. Durkheim, Éducation morale, Paris, puf, 1963. [ 13 ] Du Code général de la fonction publique. [ 14 ] Article 4 du Décret n° 2017-519 du 10 avril 2017 relatif au référent déontologue dans la fonction publique. [ 15 ] Guide : Les recommandations de L’AFA, 4 décembre 2020, https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/Recommandations%20AFA.pdf [ 16 ] L’obligation de cartographie pèse sur les grandes sociétés et établissements publics industriels et commerciaux ayant plus de 500 salariés et réalisant plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. [ 17 ] https://www.collectivites-locales.gouv.fr/reforme-de-la-responsabilite-des-gestionnaires-publics-les-consequences-pour-les-regisseurs [ 18 ] Alexandre Kojève, La notion de l’autorité, collection Bibliothèque des idées, Gallimard, Paris, 2004, 208 pages. [ 19 ] J.M. Guyau, Esquisse d’une morale sans obligation. [ 20 ] É. Durkheim, Éducation morale, op. cit., p. 36. [ 21 ] Alexandre Kojève, Esquisse d’une phénoménologie du droit, Gallimard, 1981. [ 22 ] Décret n°89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux. [ 23 ] Idem. [ 24 ] Fiche 36. La loi du Talion, Jean-Philippe Tricoit, Fiches de Culture juridique (2019), pages 235 à 239. [ 25 ] Alexandre Kojève, La notion de l’autorité, collection Bibliothèque des idées, Gallimard, Paris, 2004, 208 pages. [ 26 ] Dans le cas présent une émanation de la Cour des Comptes. [ 27 ] Sanction et processus éducatif, Olivier Cadot, Dans La lettre de l’enfance et de l’adolescence 2004/3 (no 57), pages 75 à 80. [ 28 ] Le processus éducatif, La construction de la personne comme sujet responsable, par Jacques Marpeau. [ 29 ] Sanction et processus éducatif, par Olivier Cadot dans La lettre de l’enfance et de l’adolescence 2004/3 (no 57), pages 75 à 80. [ 30 ] Les bilans sociaux, révélateurs des inégalités dans la fonction publique territoriale, La gazette des communes, publié le 08/01/2021 par Romain Mazon. [ 31 ] Statut général des fonctionnaires. [ 32 ] La justice restauratrice, Jacques Lecomte, Dans Revue du MAUSS 2012/2 (n° 40), pages 223 à 235 / Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales (1). [ 33 ] Réflexions sur la sanction dans le champ de l’éducation, Eirick Prairat, Dans La lettre de l’enfance et de l’adolescence 2004/3 (no 57), pages 31 à 44. [ 34 ] Il faut néanmoins être conscient qu’il y a une différence sur le traitement (rémunération) qui continue à être perçu en cas de suspension mais pas en cas d’exclusion temporaire ou définitive. [ 35 ] Les fonctions de la sanction pénale, Entre droit et philosophie, Michel van de Kerchove, Dans Informations sociales 2005/7 (n° 127). [ 36 ] Ph. Robert, op. cit., p15/16. [ 37 ] G. Kellens, op. cit., p194. [ 38 ] P. Poncela, "Eclipses et réapparition de la rétribution en droit pénal", rétribution et justice pénale, PUF, 1983, P15. [ 39 ] G.Kellens, op. cit. p.194. [ 40 ] J.Fainberg, op.cit., p102 et Sqq.
- Nouvelle responsabilité des gestionnaires publics, vers le renforcement de la politique anticorruption.
La réforme des gestionnaires publics issue de l’ordonnance n°2022-408 du 23 mars 2022, en vigueur depuis le 1er janvier 2023 a créé un nouveau régime juridictionnel unifié de responsabilité des gestionnaires publics et a mis fin au régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics. L’ambition affichée par les porteurs de la réforme et par le ministère est de “ conduire les administrations publiques à réexaminer leurs circuits financiers pour mieux identifier les zones de risque et à diffuser plus largement la culture et les outils de contrôle interne, tout en allégeant les procédures ”. - Au sommaire de cet article... I. Une réforme de modernisation à visée déontologique. A. Vers un objectif de transparence et de cohérence de l’action publique. B. La responsabilisation personnelle des agents pour une administration plus probe. II. La cartographie des risques d’atteintes à la probité comme moyen de prévention des fautes visées par la réforme. A. La prise en compte des infractions financières dans la rédaction des cartographies de risques d’atteintes à la probité. B. L’accompagnement des agents et des élus et leur protection par la cartographie des risques. Pourtant, aucun outil ou instrument de contrôle interne n’est développé, laissant les ordonnateurs à leur responsabilité managériale. Cet article a pour objet de traiter, tout d’abord, les raisons qui ont amené à cette unification des régimes, les conséquences de cette nouvelle responsabilité, qui, sans plus de suspens est toute relative au regard de l’application du droit pénal avec sa mise en application centripète sur les comportements potentiellement délictuels, et ensuite tend à démontrer l’utilité d’un outil de prévention polyvalent déjà bien connu : la cartographie des risques d’atteintes à la probité. I. Une réforme de modernisation à visée déontologique. La réforme de la responsabilité des gestionnaires publics vise à fluidifier l’action publique en réservant l’intervention des juges aux fautes les plus graves. On peut donc se questionner sur l’aboutissement déontologique qui en ressort véritablement en laissant délibérément prospérer certaines fautes (appréciées a posteriori de leur réalisation comme les moins graves) et en supprimant la RPP [ 1 ] qui permettait à l’administration de récupérer le préjudice commis par les erreurs des comptables publics [ 2 ]. En effet, la réforme préfère la mise en place d’amendes plafonnées pour sanctionner les fautifs, ce qui peut donc amener à une intensification des revendications à destination de la restitution des pertes subies par l’administration devant d’autres juridictions, notamment pénale. Ce glissement garantit-il l’essor de la déontologie dans l’administration et une meilleure application de ses obligations et principes chez les agents ? A. Vers un objectif de transparence et de cohérence de l’action publique. L’objectif de transparence et de cohérence de l’action publique se concrétise par rapport aux fautes qui sont visées et aux objectifs poursuivis par la réforme. En effet, celle-ci dispose de l’entrée en vigueur de nouvelles infractions et modifie sensiblement les compétences des institutions du champ financier comme la trésorerie et la CDBF (Cour de Discipline Budgétaire et Financière). Les infractions formelles prennent moins d’importance pour se concentrer sur les faute graves ayant un préjudice financier important. Ainsi on retrouve une logique utilitariste à justifier que les deniers publics sont bien utilisés. Une ambition déontologique qui se matérialise aussi dans la nouvelle organisation juridictionnelle qui reconcentre les fonctions juridictionnelles d’un “ étage ” au profit de la Cour des Comptes pour laisser aux Chambres Régionales et Territoriales un rôle de contrôle et de conseil. Ce rôle de conseil devient alors prédominant en se focalisant sur l’un des piliers de la déontologie, consistant à prévenir les atteintes à la probité avant qu’elles ne se réalisent, via un éventail d’institutions et d’outils pédagogiques dans lesquels les CRTC et la cartographie des risques font dorénavant partis. En effet, la cour des Comptes indique que : " Contrairement au contrôle des comptes et de la gestion qui intervient a posteriori, le contrôle budgétaire est un contrôle contemporain, destiné à aider les collectivités concernées à surmonter des difficultés budgétaires. Les CRTC, dans ce cadre, interviennent avant tout comme des conseils dont l’expertise financière et l’indépendance sont reconnues " [ 3 ]. On voit le recadrage qui s’opère et cette montée avec cette volonté de faire bénéficier aux collectivités d’un auditeur indépendant pour les conseiller. Cette réforme modifie aussi sensiblement le rôle préventif du comptable public en matière de conflits avec l’ordonnateur, puisque la trésorerie, en n’étant plus personnellement et pécuniairement responsable peut renforcer son partenariat avec l’autorité territoriale ainsi que son rôle de conseil pour ainsi éviter la réalisation de fautes graves. En effet, est instituée dans la réforme une procédure de signalement permettant au comptable d’attirer l’attention de l’ordonnateur sur des pratiques susceptibles d’être délictueuses, ce qui renforce son rôle de conseil et de prévention. Ce renforcement prend aussi la forme d’une politique de probité qui s’opère toujours à travers la séparation ordonnateur-comptable qui est conservée, des mécanismes de résolutions des blocages qui sont institués, et de la vocation à se positionner dans l’évolution de l’ancien système jugé opaque, peu équitable et incitant à une rigidité nulle [ 4 ]. Ainsi, les collectivités n’auront plus à supporter la valeur contraignante et chronophage du formalisme et pourront adopter une approche par intensité des risques financiers et / ou délictuels. En plus de ces moyens d’accompagnement institutionnels, il est aussi question du renforcement des contrôles internes " s’appuyer sur des outils de diagnostic, de contrôle interne, de maîtrise des risques et d’audit interne de la chaîne financière, ainsi que sur la définition de leviers managériaux " [ 5 ] qui sont pris en charge dans la cartographie des risques d’atteintes à la probité, qui a néanmoins une vocation encore plus large. C’est aussi cette transparence qui est valorisée à travers l’élargissement de la possibilité de signalement externes des faits délictueux. En effet, avant la réforme, seuls les ministres, présidents des assemblées et procureurs pouvaient saisir la CDBF et actuellement ont été ajoutés à la liste les chefs de services d’inspection de l’Etat, les présidents des exécutifs locaux, les préfets et les DR/DDFiP. Cette nouvelle possibilité nous montre la volonté d’internaliser les moyens de contrôles et la possibilité qui est permise d’agir à un échelon plus “ modeste ”. Au-delà des principaux concernés qui sont les agents, le besoin de modernisation de l’action publique en quête de probité se voit aussi à travers la responsabilité des élus locaux, qui plaident généralement la bonne foi lorsqu’ils sont mis en cause au pénal, sans que cela n’ait d’effet ; à quoi s’ajoute le terrible constat de l’AFA : “ En 2021, les parquets ont traité 900 affaires d’atteinte à la probité, contre 853 en 2020. Ces chiffres révèlent une progression de 5,5% par rapport à 2020. Ces 900 affaires impliquent 1 379 auteurs, dont 301 personnes morales ” [ 6 ]. La réforme permet enfin de se rendre compte qu’on redessine le périmètre des responsabilités, entre personnes morales et personnes physiques, en mettant fin aux anciens mécanismes de remise gracieuse et d’assurance en cas de faute qui ne permettait pas ou peu d’engager réellement la responsabilité et donc qui, même si elles permettaient de récupérer les fonds publics " égarés " ne permettait pas de corriger le comportement du fautif par le biais d’une sanction. La valeur du droit et des règles est donc réaffirmée par cette réforme attendue que les peines prenant la forme d’amendes et que ces dernières ne sont pas assurables. Ainsi, on assiste aussi à une ambition morale en plus que déontologique avec une responsabilisation pécuniaire du fautif qui est l’objet de la nouvelle responsabilité personnelle indifférenciée des agents. B. La responsabilisation personnelle des agents pour une administration plus probe. Il apparaît que la réforme est la suite logique de la possibilité qui avait été offerte, aux agents [ 7 ] et nouvellement aux élus [ 8 ], de consulter un référent déontologue. En effet, pour les agents, ce dernier est compétent pour apporter un avis sur les obligations et principes déontologiques qui s’imposent à eux. Sont principalement visées dans le cadre de la réforme l’intégrité, la probité [ 9 ], l’obligation de prévenir et de faire cesser les conflits d’intérêts [ 10 ] ainsi que l’obligation de loyauté et d’obéissance hiérarchique. Pour les élus, ce dernier est chargé d’apporter tout conseil utile au respect des principes déontologiques consacrés dans la charte de l’élu local [ 11 ] qui dispose notamment l’exercice des fonctions avec diligence, probité, l’obligation de prévenir ou faire cesser les conflits d’intérêts et l’abstention d’utiliser les ressources et moyens mis à disposition pour d’autres fins que celui du mandat. La responsabilisation des justiciables prend une forme punitive, sous la forme d’amendes pouvant aller jusqu’à six mois de rémunération de l’agent. On remarque un point particulièrement intéressant dans l’éthique publique, celui de l’amende, ni assurable, ni rémissible, qui est proportionnelle à la rémunération de l’agent et dépendent ainsi, si les grilles indiciaires sont respectées, à son niveau de responsabilité. La responsabilité du fautif peut néanmoins être écartée par la juridiction spécialisée si le justiciable ne s’est contenté que de suivre les instructions préalables du supérieur hiérarchique, ou d’un élu si cela réside d’un ordre écrit préalable sous condition d’information du caractère punissable de l’acte [ 12 ] [ 13 ]. Ce point pose néanmoins un questionnement puisque les élus, sauf infraction financière particulière, ne sont pas justiciables de la juridiction financière. Ainsi, une revisite organisationnelle du leadership des collectivités doit être procédé. De plus, il faut bien rappeler que si l’élu n’est pas justiciable devant la juridiction spécialisée, sa responsabilité pénale reste entière [ 14 ], il y a donc un risque lié à l’administration de la collectivité non négligeable pour les élus qui est accentué avec la réforme depuis le 1er janvier 2023. Avec cette articulation des deux juridictions (financière et pénale) et du moyen d’exonération de responsabilité, on voit que les agents (même exécutants) se voient doter malgré eux d’un rôle de préventeur qui s’exerce sur leur hiérarchie et sur les élus. Pourtant cette nouvelle mission peut être complexe à mettre en œuvre en termes de management et l’un des moyens les plus souples pour les accompagner peut-être la rédaction de la cartographie des risques d’atteintes à la probité, l’autre plus laborieux [ 15 ] réside en la mise en place de la certification ISO 9001. De surcroît il faut noter l’obligation d’obéissance hiérarchique et de désobéissance hiérarchique, et la facilitation du régime des lanceurs d’alerte grâce à la loi dite « Waserman » [ 16 ] qui permet la remontée des actes délictuels. On peut donc se demander si un agent émet un signalement via la procédure de recueil des alertes internes, qui utilise donc cette opportunité comme un moyen de prévenir l’élu du caractère fautif d’une décision en conservant son anonymat, s’il pourra être inquiété par la juridiction financière. La question reste également ouverte quant à l’articulation de l’article 40 du Code de procédure pénal. De plus, depuis cette réforme, les agents n’ont jamais autant incarné personnellement l’image de l’administration et aucune ne les avait autant responsabilisés. Cependant, on constate un glissement à travers le nouveau régime des infractions s’articulant autour de la faute grave causant un préjudice financier significatif avec le fait que l’agent public, qui représentait l’administration, est dorénavant plus lié à la collectivité qui l’emploie attendu que le critère du préjudice financier s’apprécie en fonction du budget de la collectivité. Cela nous permet de bien considérer que la santé financière des collectivités va avoir un poids sur le caractère fautif d’un agent, au même titre que les pratiques managériales ancrées au sein d’elle-même. Ainsi se démontre que la déontologie est l’affaire de tous, et qu’il n’a jamais été aussi important d’adopter une culture de lutte contre les atteintes à la probité propre à chaque entité. II. La cartographie des risques d’atteintes à la probité comme moyen de prévention des fautes visées par la réforme. La cartographie des risques déontologiques [ 17 ] est un moyen de prévention qui vise à réduire les manquements à la probité. Le terme de probité regroupe les 6 infractions disposées dans l’article 1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite Sapin II), à savoir la corruption, le trafic d’influence, la concussion, la prise illégale d’intérêt, le détournement de fonds publics et le favoritisme [ 18 ]. Cette même loi dispose de l’obligation de cartographie pour les grandes sociétés et établissements publics industriels et commerciaux ayant plus de 500 salariés et réalisant plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires ; puisque par nature une faute dans ces établissements est de nature à porter une préjudice financier important, et fortement conseillé pour les collectivités par la HATVP (Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique) [ 19 ] et l’AFA (Agence Française Anticorruption) [ 20 ]. Cette cartographie vise à identifier les risques, les hiérarchiser en prenant en compte l’impact [ 21 ] et de la probabilité d’occurrence. Elle permet dans un second temps de prévoir les moyens de prévention adéquats pour minimiser au maximum la survenue de l’agissement. A. La prise en compte des infractions financières dans la rédaction des cartographies de risques d’atteintes à la probité. La cartographie des risques d’atteintes à la probité, en détectant les risques auxquels sont exposés la collectivité locale en matière de corruption, trafic d’influence, concussion, prise illégale d’intérêt, détournement de fonds publics et favoritisme vise à recenser de facto des délits disposés dans le Code pénal. Le nouveau régime de responsabilité dispose deux natures d’infractions : celle “ générique ” et celle “ spécifique et formelle ”. L’infraction générique nécessite une faute grave et un préjudice financier significatif concernant l’exécution des recettes et des dépenses, la gestion de biens, la faute de gestion, l’avantage injustifié à autrui et la gestion de fait. Ce que l’on remarque, c’est que les infractions citées entrent toutes dans le champ des atteintes à la probité. En effet, une faute concernant l’exécution d’une recette [ 22 ] peut être qualifiée de concussion devant le juge pénal, sans que le critère de la faute grave et du préjudice financier significatif n’ait une incidence pour cette juridiction. Les autres infractions financières entrent aussi dans le champ pénal avec l’avantage injustifié qui peut être qualifié de prise illégale d’intérêts et la gestion de fait qui entre dans la définition du détournement de fonds publics. Cette logique est d’ailleurs confirmée par le premier arrêt rendu par la Cour des Comptes depuis la réforme, l’affaire “ Alpexpo ” dans laquelle les trois mis en cause pour avoir méconnu le Code des Juridictions Financières doivent aussi en parallèle s’expliquer devant le tribunal correctionnel (juridiction pénale) pour du favoritisme. Ce premier cas d’espèce illustre bien la porosité entre les deux juridictions. Les infractions spécifiques et formelles quant à elles ne requièrent pas de conditions de gravité ou de préjudice financier et concerne l’absence de production des comptes, l’engagement de dépenses en méconnaissant les règles de contrôle budgétaire, le défaut de qualité d’ordonnateur et l’échec à la procédure de mandatement d’office. Ces fautes sont purement formelles et ne sont pas susceptibles d’avoir de qualification pénale. Pour autant, cela ne les exclut pas nécessairement de leur prise en compte dans la rédaction de la cartographie, attendu que leur survenu demeure un manquement aux obligations déontologiques. Dans les infractions génériques susceptibles de voir le recours au volet pénal, leur intégration dans la cartographie est facilitée puisque les impacts en cas de réalisation du risque sont les mêmes donc il faut les prendre en compte. On a déjà cette notion de faute grave causant un préjudice financier conséquent [ 23 ] donc cela suit la logique de la note d’impact. Cependant on y trouve aussi la gestion de fait, et autres spécificités de formalité qui peuvent aisément faire l’objet d’une intégration dans la cartographie pour élaborer leur hiérarchisation, bien que leur note d’impact demeure indubitablement inférieure aux autres infractions [ 24 ]. Une réforme pas uniquement financière, qui fait penser au pénal et donc à la probité. Et on le voit aussi avec les mécanismes qui se créent avec le pouvoir d’alerter la juridiction financière en cas de manquements constatés qui font penser au référent alerte. De plus, les fautes de gestion visées par la réforme relèvent aussi d’un caractère pénal. C’est d’ailleurs ce que l’on voit avec la gestion de fait, que la réforme ajoute à sa liste des infractions financières alors qu’il s’agissait déjà d’un délit pénal [ 25 ]. La portée de la cartographie est plus générale mais peut englober ces risques et remettre en question la façon de procéder de la collectivité. B. L’accompagnement des agents et des élus et leur protection par la cartographie des risques. Sur un plan national, les agents ont pu être accompagnés dans la transition par de nombreuses sources sous différents supports. On y trouve notamment 7 vidéos (Réalisées en partenariat avec Institut de la gestion publique et du développement économique) [ 26 ], des diaporamas commentés et des brochures [ 27 ] sur cette thématique sur le site internet du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Le CNFPT (Centre National de la Fonction Publique Territoriale) qui a aussi réalisé un guide [ 28 ] d’une trentaine de pages intitulé “ Maîtriser les risques financiers et comptables dans une petite Commune, Les dix questions à se poser ” en plus des nombreux webinaires présentés aussi par la DGFiP. Ce qu’il faut remarquer dans ces supports, c’est que ce sont les agents qui le souhaitent (et qui en avaient le temps) qui ont pu être accompagnés sur les enjeux de la réforme et sur le transfert de la responsabilité de gestion, mais qu’il est regrettable que les collectivités n’aient bénéficiées d’outils supplémentaires pour accompagner leurs agents et leurs élus, la réforme comptant certainement s’appuyer sur les nouveaux rôles des trésoriers et de Chambre Régionale des Comptes. Aussi, on peut constater le manque de promotion autour de la compétence du référent déontologue des agents, chargé d’apporter aux agents tout conseil utile au respect des obligations et principes déontologiques lorsqu’ils le demandent [ 29 ], et du référent déontologue des élus locaux, chargé d’apporter tout conseil utile au respect des principes déontologiques consacrés dans la Charte de l’élu local [ 30 ], puisque un certain nombre d’obligations sont communes et en lien avec la réforme, notamment celle relative à l’exercice des fonctions avec probité [ 31 ]. Aussi en ayant pour objet de limiter l’office du juge financier aux cas d’une gravité avérée, la réforme prend le risque de renforcer l’incursion de la sphère pénale dans la gestion des collectivités. Comme on a pu le voir, la réforme n’est pas une révolution, elle réaffirme la séparation ordonnateur comptable, mais emprunte simplement les Codes du pénal sur la sphère financière. De ce fait, l’accompagnement des agents et des élus dans cette réforme ne peut se faire sans une sensibilisation aux atteintes à la probité. Cette réaffirmation de la séparation et ce nouveau régime de responsabilité font du comptable public le grand gagnant de la réforme puisque sa responsabilité semble aujourd’hui quasiment impossible à engager. Pourtant, ce moyen lui permettra de renforcer son partenariat avec l’ordonnateur en lui libérant du temps pour accompagner les collectivités et en lui permettant de ne pas avoir une vision financière inutilement borné. Il faut rappeler que les élus aussi sont concernés, certes en principe non justiciables devant la juridiction financière, des exceptions persistent en matière de gestion de fait, de réquisition du comptable, d’inexécution de retard ou de résistance à l’exécution d’une décision de justice. On a le rappel de la responsabilité managériale de l’employeur public qui est encouragé par la réforme et qui consiste en l’adaptation des contrôles métiers avec des ciblages sur les opérations à enjeu financier significatifs. Ces risques ressortiront forcément dans la cartographie des risques d’atteintes à la probité grâce à la note d’impact ; et que les sensibilisations pourront être plus pertinentes car plus adaptées (ou ciblées) au mode de gestion de la collectivité et au risque spécifique que cela induit. Enfin dans la 12ème page du diaporama commenté [ 32 ] d’accompagnement de la réforme de la responsabilité partagé par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, on mentionne une approche par risque dans les services ou c’est nécessaire pour identifier les situations anormales afin de les corriger et assurer la qualité de la procédure. Cette approche est pleinement couverte par la cartographie des risques d’atteintes à la probité et s’intègre parfaitement dans la mise en place d’une politique anticorruption puisque le même document conclut avec l’utilité des sanctions internes en cas de carences ou de négligence dans l’exercice des contrôles de la chaîne financière ; et cette méthodologie de sanction fait référence aux recommandations de l’Agence Française Anticorruption dans son guide sur la mise en place d’une politique de probité [ 33 ]. La cartographie des risques reste la part essentielle du travail en amont et est le meilleur moyen de développer des outils de prévention qui soit propre à chaque collectivité. Ces outils, qui prennent le plus souvent la forme de charte de déontologie, de sensibilisations aux bonnes pratiques et du régime disciplinaire et de valorisation de la place du référent déontologue mais aussi de logiciels dédiés permettent en plus d’accompagner les agents dans l’entrée en vigueur de la réforme des gestionnaires publics dont la Cour des Comptes rend ses premiers arrêts, de se prémunir contre les conséquences pénales en protégeant les agents et élus de bonne foi des fautes qu’ils auraient pu commettre par méconnaissance des textes. [ 1 ] Responsabilité Personnelle et Pécuniaire. [ 2 ] Surtout par le recours aux mécanismes d’assurance qui n’est plus permis depuis la réforme. [ 3 ] https://www.ccomptes.fr/fr/crc-bretagne/champ-de-competence [ 4 ] Connaitre la réforme de la responsabilité financière applicable au 1er janvier, Marie Goutal et Yvon Goutal [ 5 ] Slide 12 du diaporama commenté de la DGFIP : La responsabilite du régime de responsabilité financière des gestionnaires publics. [ 6 ] Rapport d’activité 2022, AFA, https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/RA_AFA_2022_Web.pdf [ 7 ] Article 124-2 du Code Général de la Fonction Publique. [ 8 ] Article 218 de la loi n°2022-217 du 21 février 2022 dite “3DS”. [ 9 ] Article L121-1 du Code Général de la Fonction Publique. [ 10 ] Article L121-4 du Code Général de la Fonction Publique. [ 11 ] Disposée à l’article L1111-1-1 du Code Général des Collectivités Territoriales. [ 12 ] Article 131 du Code des Juridictions Financières. [ 13 ] Dans la pratique on conseil la rédaction d’une note administrative comme moyen de preuve pour substituer la responsabilité d’un comportement fautif. [ 14 ] Article 142 du Code des Juridictions Financières. [ 15 ] Qui s’explique par le champ d’action plus vaste de la norme ISO qui ne se borne pas aux risques d’atteintes à la probité. [ 16 ] Loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte (1). [ 17 ] Ou d’atteintes à la probité. [ 18 ] Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (1). [ 19 ] Guide déontologique Manuel à l’usage des responsables publics et des référents déontologues Première partie : instaurer des procédures déontologiques adaptées à son organisation https://www.hatvp.fr [ 20 ] Les recommandations de l’AFA : https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/Recommandations%20AFA.pdf [ 21 ] Qui peut être financier, humain, pour la réputation de la structure, juridique ou opérationnel. [ 22 ] Et même plus généralement toutes les fautes de gestions. [ 23 ] Pour les infractions génériques. [ 24 ] Le risque Brut pourra demeurer relativement élevé attendu qu’il est composé de la multiplication de la note d’impact (ou criticité) et de la fréquence. [ 25 ] Article L131-15 du Code des Juridictions Financières. [ 26 ] https://www.economie.gouv.fr/igpde/responsabilite-des-gestionnaires-publics-comprendre-les-effets-de-la-reforme [ 27 ] https://www.economie.gouv.fr/igpde/responsabilite-des-gestionnaires-publics-comprendre-les-effets-de-la-reforme [ 28 ] https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/finances-locales/Livret_maitrisedesrisques_DGFIP_CNFPT_septembre2023.pdf [ 29 ] Article L124-2 du Code Général de la Fonction Publique. [ 30 ] Article 218 de loi 3DS (loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification). [ 31 ] Article L1111-1-1-1 du Code général des collectivités territoriales pour les élus et Article L121-1 du Code Général de la Fonction Publique pour les agents. [ 32 ] https://www.budget.gouv.fr/reperes/gestion_publique/articles/les-enjeux-de-la-reforme-de-la-responsabilite-des-gestionnaires [ 33 ] https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/GuideRegion_2022_AFA_Web.pdf
- La prévention des risques professionnels et volet disciplinaire des agents publics.
La sanction disciplinaire est la réponse donnée par l’autorité territoriale en raison de son comportement ou de ses actions qui contreviennent aux règles, aux devoirs, ou aux obligations liées à l’emploi d’un agent. Ces sanctions ont pour objectif de maintenir l’ordre et la discipline au sein de la fonction publique territoriale, de prévenir les comportements répréhensibles et d’assurer la qualité du service public. - Au sommaire de cet article... I. La sanction disciplinaire comme réponse aux atteintes aux obligations professionnelles et déontologiques. II. Moyens de proportionnalité de la sanction apporté par le filtre de l’évaluation des risques des agents : le critère de la santé générale des agents. Conclusion. La procédure disciplinaire varie en fonction de la gravité de l’infraction alléguée et des règles spécifiques applicables dans chaque collectivité territoriale (règlement intérieur, charte de déontologie …). Pourtant, même si elle nécessite le respect du principe du contradictoire, les éléments d’atténuation d’un acte relevant du disciplinaire sont rarement pris en compte par l’autorité territoriale, qui méconnaît souvent l’influence que peut avoir l’environnement de l’agent sur son comportement. Cet article porte sur le volet des risques professionnels (incluant les risques psychosociaux (dans le DUERP) et les risques d’atteintes à la probité (dans les cartographies d’atteintes à la probité)) et de leur influence sur les comportements déviants que la collectivité souhaite corriger par le recours aux sanctions. I. La sanction disciplinaire comme réponse aux atteintes aux obligations professionnelles et déontologiques. Il faut partir du constat qu’il n’existe pas de définition légale de la faute disciplinaire, contrairement aux infractions pénales. Il appartient donc à l’autorité territoriale d’apprécier les agissements pouvant être caractérisés de faute disciplinaire. Néanmoins, la faute disciplinaire résulte de l’existence de faits matériels précis relatifs à un manquement volontaire à des obligations professionnelles ou déontologiques L’article 121 du Code général de la fonction publique dispose des obligations déontologiques auxquelles les agents publics sont soumis. Il est ainsi fait mention des obligations de : dignité, impartialité, intégrité, probité, neutralité, du respect de la laïcité, neutralité, de consacrer l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui leurs sont confiées et de prévenir ou de faire cesser immédiatement les situations de conflit d’intérêt. La violation d’une des obligations constitue une faute disciplinaire qui mène aux sanctions, le plus souvent par le biais du conseil de discipline. Pourtant ces notions sont abstraites et peu expliquées et on constate une méconnaissance des obligations générales. De plus, les termes employés laissent une libre interprétation que l’autorité territoriale se doit de définir avec davantage de clarté dans son règlement intérieur ou dans sa charte de déontologie si cette dernière en adopte une. Ce manque de pédagogie nous pousse à nous questionner sur des critères d’atténuation des sanctions en l’absence d’éléments préventifs. En effet, les obligations entre l’employeur et les agents sont réciproques, et si l’un doit respecter les droits et obligations qui incombent aux agents publics, les employeurs ont l’obligation de veiller à la santé, physique et mentale des agents [ 1 ]. Cette obligation se concrétise par la rédaction et la mise à jour du DUERP, document obligatoire pour les collectivités dès l’embauche du premier agent. A. Le critère de la faute : distinction avec l’insuffisance professionnelle. Il ne faut pas confondre l’insuffisance professionnelle avec le non-respect des règles de déontologie. En effet, il faut insister sur le fait que l’insuffisance professionnelle n’implique pas la volonté de l’agent. Les agents publics (fonctionnaires ou contractuels) sont soumis à des règles particulières en matière de déontologie et d’obligations professionnelles, qui s’imposent à eux pendant leur temps de travail mais aussi en dehors. Les manquements à ces obligations constituent une faute pour laquelle peut s’appliquer une sanction proportionnée [ 2 ]. L’insuffisance professionnelle n’est pas définie dans le statut et ressort principalement de la jurisprudence. Elle se traduit par « l’inaptitude à exercer les fonctions d’un grade par rapport aux exigences de capacité que l’administration est en droit d’attendre d’un fonctionnaire de ce grade. » [ 3 ]. Il en ressort que l’insuffisance professionnelle peut être qualifiée par une accumulation de faits avec notamment : l’incompétence, la négligence, le manque d’implication, un relationnel dégradé avec la hiérarchie ou des collègues, une perte de savoir-faire ou même un manque d’éthique professionnelle ou de conscience professionnelle [ 4 ]. Ces accumulations de faits peuvent conduire l’autorité territoriale à proroger le stage d’un fonctionnaire stagiaire mais surtout à affecter l’agent sur un poste plus conforme à ses aptitudes, ou à le licencier. Nous rappelons que l’insuffisance professionnelle n’a pas de caractère fautif par un comportement déplacé et qu’elle ne peut donc pas faire l’objet d’une sanction disciplinaire. Il résulte donc à l’autorité territoriale de déterminer si la mauvaise exécution des missions de l’agent résulte d’une volonté manifeste ou de son incapacité pour les motifs évoqués. Il faut noter que l’autorité territoriale doit donner tous les moyens à l’agent d’accomplir ses missions avec notamment les moyens matériels et les formations nécessaires [ 5 ]. On peut notamment mentionner dans un arrêt [ 6 ] récent du 31 janvier 2023 qu’une agente des services techniques avait reçu un blâme par son autorité territoriale pour avoir adopté un comportement désinvolte et avait refusé à 3 reprises d’exécuter certaines tâches de débroussaillage. Les juges ont estimé, après un rapport d’un ergonome, que l’activité de débroussaillage apparaissait pénible pour l’agente en raison du mode de démarrage et de fonctionnement de l’appareil utilisé. Ils ont ainsi rappelé l’obligation de l’employeur de protection de la santé physique et morale des effectifs humains de la collectivité et ont fini par estimer que l’agente n’avait pas eu un caractère fautif. Les questions qui se posent sont : ce manquement à ses missions, pour rappel non fautif, peuvent relever de l’insuffisance professionnelle [ 7 ] ? Et surtout la collectivité doit-elle prendre en compte dans le cas de l’insuffisance autant que dans le disciplinaire, les moyens de préventions des risques professionnels via le DUERP ? En effet, on peut aisément supposer en se basant sur le rapport de l’ergonomie et de l’usure physique réelle que l’utilisation de cet appareil implique sur les agents figurait dans le DUERP, et qu’ainsi sa lecture par l’autorité territoriale au moment de déterminer le caractère fautif ou non aurait été une plus-value, de même si le caractère fautif est révélé (même si ce n’est pas le cas de cet arrêt) s’il peut atténuer la faute. Cette thèse sera approfondie en partie II de cet article. Il faut rappeler que le licenciement pour insuffisance professionnelle ne peut pas trouver comme seul origine l’état de santé de l’agent [ 8 ] (pour cela c’est le licenciement pour inaptitude physique qui peut être abordé), ce qui apparaît comme une raison de plus de valoriser les DUERP dans la fonction publique territoriale. B La recherche de proportionnalité de la sanction à la faute par l’employeur. Dans le cadre disciplinaire, le juge vérifiera en cas de litige le caractère proportionné entre la sanction choisie et la faute commise. Néanmoins il faut noter deux choses : Le choix de la sanction est laissé à la libre interprétation de l’autorité territoriale, en fonction de la gravité des faits, du contexte dans lesquels les faits ont eu lieu, de la nature des fonctions exercées par l’agent, du comportement antérieur et les conséquences de la sanction sur l’agent. Le contrôle du juge de l’excès de pouvoir en cas de litige porte sur le fait que la sanction n’est pas disproportionnée, et non le fait qu’elle soit proportionnée. Dans le premier point soulevé, on constate que la méthodologie est subjective, et qu’en aucun cas il ne peut résulter d’automatismes entre la sanction à appliquer et les faits reprochés. A propos du deuxième point portant sur le contrôle des juges, cela implique que le juge ne se borne qu’a regarder que la sanction ne soit pas trop lourde, et qu’il ne se prononcent pas dans l’éventualité où cette sanction ne le serait pas assez. Et à raison puisqu’on peut se demander pourquoi un agent recevant une sanction disproportionnellement faible vis à vis des faits reprochés irait la contester. Ces deux éléments nous révèlent cependant une réalité du terrain, que l’appréciation de l’autorité territoriale en matière de sanction à un large éventail de possibilités et de ce fait que des agents occupant des fonctions similaires et ayant commis des faits similaires pourraient se voir infliger une sanction différente. De plus, le mécanisme disciplinaire peut s’accompagner au préalable d’une enquête administrative et la méthodologie et les pratiques sont très peu encadrées, offrant une grande liberté dans sa réalisation, et donc dans son caractère à charge. La recherche est biaisée parce que l’employeur se base sur la jurisprudence pour les sanctions et que les juges de l’excès de pouvoir n’apportent qu’un contrôle par le haut : que la sanction ne soit pas disproportionnée. Ouvrant la possibilité qu’elle puisse être potentiellement sous proportionnée. En effet, c’est ce que nous montre l’arrêt de la CAA de Marseille du 19 janvier 2021 [ 9 ], qui avait estimé que la révocation était disproportionnée au regard des faits reprochés à un agent bipolaire qui tenait des propos outranciers à caractère sexuel à son entourage, avant que le Conseil d’Etat ne vienne constater la proportionnalité de la sanction considérant que l’agent disposait de tout son discernement au moment des faits. Ces évolutions jurisprudentielles nous montre qu’il n’est déjà pas aisé, même pour les juridictions, de se prononcer sur le régime disciplinaire lorsque des critères psychosociaux entre en ligne de compte, et porte un coup fatal aux automatismes que l’on veut déterminer par la jurisprudence : d’applique machinalement une sanction pour des faits comme si tous les cas d’espèce pouvaient se substituer. On peut relativiser la disproportion de l’application des sanctions par la procédure disciplinaire pour les sanctions préconisées de 2,3 et 4eme groupe par la composition du conseil de discipline. En effet, ce dernier est composé de plusieurs collèges (et l’autorité territoriale de l’agent fautif ne peut y figurer) et surtout est présidé par un magistrat de l’ordre administratif. Cependant, la forme collégiale semble apporter de l’objectivité et de l’impartialité, mais elle ne garantit pas nécessairement la proportionnalité. De plus ces moyens permettent une cohérence au moins au niveau départemental, mais ne concernent pas les sanctions du premier groupe qui, bien qu’étant les moins punitives, sont aussi les plus fréquentes et surtout il rend un avis simple qui ne lie pas l’employeur qui conserve le pouvoir discrétionnaire. II. Moyens de proportionnalité de la sanction apporté par le filtre de l’évaluation des risques des agents : le critère de la santé générale des agents. Comme évoqué en partie 1, les moyens de proportionnalité sont difficiles à mettre en place au regard de l’atomicité des situations fautives et des critères d’appréciation qui en découlent. Cependant, des moyens peuvent tendre à une proportionnalité des sanctions tout en prenant en compte les spécificités des différentes collectivités.En effet, pour reprendre Aristote [ 10 ], les altérations ne sont pas spontanées et sont dues à une cause motrice ; et sa recherche prend son importance avec l’interrogation de la relation de l’entreprise avec son environnement. Ainsi, il semble intéressant de prendre en compte de DUERP pour mesurer l’environnement des agents pour déterminer la « cause motrice » constitutive de la faute. A. Prise en compte des moyens de prévention liés aux conditions de travail pour les fautes et manquements au travail. Pour reprendre l’exemple de l’arrêt de la CAA de Nancy relatif à l’agente et de sa difficulté d’utilisation de la débroussailleuse municipale, il résulte que le manque de volonté d’accomplir les missions confiées est due par l’état inadapté de l’équipement qui crée l’insuffisance professionnelle de l’agent et donc qui exclut le champ disciplinaire et les sanctions qui peuvent en découler. Pour entrer plus dans le détail de ce cas d’espèce appliqué aux conditions de travail, l’agente des services techniques ayant reçu un blâme par son autorité territoriale pour avoir eu un comportement désinvolte et avait refusé à 3 reprises d’exécuter certaines tâches de débroussaillage. Il apparaît dans l’arrêt que le rapport de l’ergonome vise les risques de troubles musculo squelettiques (TMS) quant à l’utilisation de cet appareil, et à sa façon de le démarrer. Les DUERP dans leur fonction d’instrument de prévention de la condition de santé des agents visent souvent les débroussailleuses thermiques comme étant à risque pour la santé et exposent comme moyens de prévention le passage à l’électrique qui sont moins lourds à l’usage et qui ne posent aucun problème lié au démarrage. Ainsi, en se basant sur un DUERP à jour, l’autorité territoriale aurait pu se rendre compte que le régime disciplinaire serait inopérant puisque l’attitude de l’agente ne résultait pas d’une volonté de défiance. Cet exemple nous fait soulever un point intéressant, exposé par Mathieu Armbruster [ 11 ], celui que « les employeurs publics ont encore énormément à faire en matière d’évaluation des risques professionnels » [ 12 ]. Plus largement, on peut dire que si l’agent doit être sanctionné pour un caractère fautif dans le respect de ses obligations professionnelles et déontologiques, le fait que l’employeur n’ai rien (ou peu) fait pour faire respecter les obligations méconnues par l’agent doit être pris en compte comme un critère atténuant la responsabilité et doit donc être prise en compte dans la recherche de la proportionnalité de la sanction. En effet, l’adage nemo censetur ignorare legem ne peut raisonnablement être d’ordre actuel et il revient à l’employeur de sensibiliser ses effectifs aux règles de conduite. Ces sensibilisations prennent la forme de la mise à jour régulière de DUERP, avec la valorisation des conseillers de prévention, par les chartes de déontologie et les règlements intérieurs. L’AFA attire aussi l’attention des employeurs sur le fait que les chartes doivent être suffisamment précises et ne peuvent se borner à évoquer des concepts généraux pour être efficaces. Il faut savoir avant tout autre chose si les moyens de préventions mis en place répondent bien, non pas au besoin des agents mais aux ambitions de la hiérarchie. B. La reconnaissance de l’usure morale des agents. Il faut bien faire la distinction entre un handicap, comme c’était le cas pour l’agent bipolaire et un climat, le premier revêtant un caractère personnel alors que le deuxième, par sa logique collective, trouve pleinement sa place dans les DUERP via les RPS, en étant matérialisé en Unité de Travail, et devrait la trouver dans le disciplinaire. Ceci étant dit, le climat social d’une collectivité lui est propre, ce qui va nécessairement influencer, si on prend cet outil, sur la proportionnalité de la faute commise. De plus, le climat impacte nécessairement le travail des agents. On peut alors étudier un arrêt : celui de la CAA de Marseille du 13 avril qui concevait qu’un agent municipal ayant refusé d’intervenir un soir du 14 juillet, ayant commis le même jour des violences à l’encontre d’un collègue (causant 3 jours d’ITT) et diffusant une lettre ouverte dénonçant les dysfonctionnements de son service et étant irrespectueux envers les élus de la collectivités avait été révoqué avant que la CAA ne valide la substitution du conseil de discipline de recours à une exclusion temporaire de 6 mois. Pourtant les faits reprochés, même s’ils n’ont pas eu de caractère sexuel semble potentiellement plus grave que ceux qui avaient été reprochés à l’agent bipolaire. En effet, il a été entendu que le service dans lequel était affecté l’agent connaissait de graves dysfonctions capables de rendre l’agent victime de souffrances psychologiques au travail. On voit avec cet arrêt l’importance que peut avoir l’organisation du travail, le climat et l’évaluation des RPS dans le régime disciplinaire. De plus, au-delà des problèmes personnels, la recherche d’économie dans les collectivités locales impacte le compte de charge de personnel (012) et donc nécessairement le nombre d’agents pour exécuter des missions. Nous sommes dans cet adage récent du « faire mieux avec moins ». Or, ce concept budgétaire a un impact sur l’humain. On peut faire un parallèle avec le concept du cloaque comportemental (ou puits comportemental). Du moins les études ultérieures qui concluent que les humains sont sujets à une violence exacerbée et à des traits autodestructeurs s’il y a nécessité pour les membres de la communauté d’interagir entre eux dans un contexte tendu. Un autre point intéressant relatif à l’usure morale des agents peut être soulevé à travers les atteintes à la probité. En effet, dans un arrêt du 18 août 2023 [ 13 ] le TA saisi d’un référé suspension relative à une exclusion de 19 mois prononcée à l’encontre d’un agent ayant utilisé la carte d’essence du service à des fins personnelles, alors qu’il était en télétravail puis en congé maladie. Les juges ont alors soulevé deux points, celui de la détresse financière de l’agent (en situation de divorce et placée en surendettement) et surtout la négligence de la collectivité qui ne pouvait ignorer les dépenses de l’agent et qui a attendu deux années avant de solliciter la restitution de la carte. Pour les juges, la collectivité a contribué à la faute. Cet arrêt nous montre ainsi la responsabilité managériale de la collectivité en matière de prévention des risques, qu’ils soient physiques, psychiques ou relatifs à l’anti-corruption. On peut aussi faire le lien avec un précédent article relatif à la plus-value de la Nécessité de concilier la cartographie des risques déontologiques avec l’évaluation des RPS dans les collectivités locales . En effet, la mise en place de cet instrument aurait permis à la collectivité de ne pas faire encourir à un agent en détresse psychologique un risque pénal relatif au détournement de fonds publics. Il en résulte une affirmation, celle de la véritable plus-value des psychologues dans la rédaction des RPS [ 14 ] et dans l’évaluation du climat social, qui ne peut qu’être un élément de prise en compte exogène au caractère purement fautif du comportement d’un agent. Cet argument trouve son fondement des obligations de l’employeur en matière de protection de la physique et mentale des agents. Conclusion. La méthodologie ne va pas parce que l’employeur regarde trop souvent la jurisprudence pour savoir le quelle sanction appliquer pour quel cas, alors qu’il ne regarde pas ce qu’il aurait pu faire pour ne pas que ça arrive. Le vrai principe de proportionnalité de la peine à appliquer pour un agent est celui où la collectivité assume aussi sa part de responsabilité dans les dysfonctionnements. La question des conséquences de la sanction disciplinaire sur l’état de santé psychique de l’agent se pose également. Si la sanction disciplinaire a pour objectif d’amener un agent à corriger un comportement considéré par l’autorité comme inapproprié, elle peut également engendrer un sentiment d’injustice une fois la sanction prononcée et d’autant plus que la sanction semble disproportionnée… De plus, l’action de la sanction en absence de vertu pédagogique ne permet pas de compromettre le risque de récidive (Voir les articles L’apport de la déontologie dans la sanction disciplinaire : l’enjeu de la légitimité de l’autorité (territoriale) et La perception de la déontologie sur les agents de la fonction publique territoriale paraît-elle légitime pour justifier le recours au spectre disciplinaire en cas de faute ?). Les conséquences de cette absence de finalité est le risque d’une dégradation du climat social et un désengagement au travail (sabotage, absentéisme …), soit autant de comportements qui pourront conduire à de nouvelles sanctions disciplinaires sans plus-value pour l’intérêt structurel de la collectivité. [ 1 ] Article L4121-1 du Code du Travail. [ 2 ] Articles L530-1 à L533-6 du Code Général de la Fonction Publique. [ 3 ] CE 16 octobre 1998 req n°155080 Commune de Clèdes. [ 4 ] CAA de Marseille 21 novembre 2000, req n°97MA11685. [ 5 ] CE 1er février 2012. [ 6 ] CAA de Nancy, 31 janvier 2023, req n°20NC02250. [ 7 ] Il apparaît dans ce cas d’espèce que non au vu de la défaillance seulement ponctuelle de l’agente. [ 8 ] CA de Nancy, 4 avril 1996, commune de Vesoul et CE 27 janvier 1993, M.Mathot. [ 9 ] CAA de Marseille, 9ème chambre, 19/01/2021, 19MA00735, Inédit au recueil Lebon. [ 10 ] De la génération de l’altération. [ 11 ] Président de l’association nationale des chargés d’inspection en santé et sécurité au travail dans les collectivités locales (ANCISST). [ 12 ] Article de l’AEF info publié le 03/02/2023 par Florianne Finet. [ 13 ] TA de la Martinique, 18 août 2023, req. n°2300484. [ 14 ] Qui en l’état des textes actuels peuvent être mesurés par n’importe qui.
- Harcèlement moral d’un manager sur les agents, quelle frontière entre la faute disciplinaire et l’insuffisance professionnelle ?
Le harcèlement moral prend une place préoccupante dans la gestion des acteurs publics, et notamment dans la fonction publique territoriale. En effet, une étude récente révèle que 40% de ses agents disent en avoir été victimes tandis que la proportion est de 28% dans la Fonction publique d’État, et de 27% dans la Fonction publique hospitalière. La lutte contre le harcèlement moral continue de s’organiser après le constat alarmant de l’enquête de la FNCDG qui révélait que seulement 34,9% des collectivités avaient mis en place un dispositif de signalement des Actes de Violence, de Discrimination, de Harcèlement et d’Agissements Sexistes. - Au sommaire de cet article... I. Rappel des notions. II. La construction de l’enquête administrative pour des faits relevant du harcèlement moral (régime de preuve), l’instruction de la conviction de l’administration. III. Le harcèlement moral susceptible de relever du régime disciplinaire. IV. Le harcèlement moral sans intentionnalité de l’auteur. Même si ces dispositifs remplissent leur rôle, il est important de faire un état des lieux sur les moyens d’actions que possède l’employeur en cas de remontée d’informations relevant potentiellement du harcèlement moral d’un manager vers ses agents publics, ces dispositifs ne dispensent pas l’employeur de sa responsabilité puisqu’étant un canal d’information entre la victime et l’employeur. De fait, nous rappelons que l’objectif des dispositifs de signalements restent la communication à l’employeur, reste à ce dernier de prendre les mesures qui s’imposent pour faire cesser les actes. Un doute subsiste quant au rôle du régime disciplinaire dans les évolutions des caractéristiques du harcèlement, de surcroît lorsque le poste de l’harceleur vise des compétences managériales. Ces évolutions nous questionnent sur la réaction appropriée de l’autorité territoriale en cas de remontées d’informations relevant du harcèlement moral, notamment quand elles mettent en cause un responsable de la collectivité ainsi que les moyens d’enquête administrative. La conception est encore relativement nouvelle puisque c’est dans un arrêt du 12 mars 2010 que le Conseil d’Etat reconnaît la possibilité de demander la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral, et ce dernier pouvant émaner d’une insuffisance professionnelle du manager, avec ou sans volonté de nuire. I. Rappel des notions. Le harcèlement moral est défini à l’article L133-3 du code général de la fonction publique, qui donne une définition du harcèlement moral : « aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Trois conditions cumulatives sont à retenir pour qualifier un harcèlement moral : les agissements doivent être répétés. Le caractère répétitif du harcèlement moral peut être effectif sur une très courte période ou à partir du moment où les faits ont eu lieu deux fois la dégradation matérielle ou morale des conditions de travail (individuelle ou collective) une atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique / mentale ou à l’avenir professionnel de l’agent. L’atteinte porte sur l’individu mais il n’est pas nécessaire de prouver les conséquences dommageables du harcèlement moral, leur simple éventualité étant suffisante. Le harcèlement moral peut émaner de tous les acteurs de la fonction publique, c’est-à- dire un élu, un supérieur hiérarchique, un subordonné, des collègues de travail … Cependant, cet article se concentre sur le harcèlement moral d’un supérieur vers ses subordonnés. La définition de la protection fonctionnelle est définie aux articles L134-1 et suivants du code général de la fonction publique, qui dispose que : « L’agent public ou, le cas échéant, l’ancien agent public bénéficie, à raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, d’une protection organisée par la collectivité publique qui l’emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire, dans les conditions prévues au présent chapitre ». Ainsi la protection fonctionnelle peut se traduire comme les mesures de protection et d’assistance dues par l’administration à un agent en vue de le protéger contre les attaques dont il fait l’objet dans le cadre de ses fonctions ou en raison de ses fonctions. C’est à l’administration d’accorder ou non la protection fonctionnelle à un agent en se basant sur les faits remontés par ce dernier dans sa demande. L’enquête administrative n’est encadrée par aucun texte législatif ou réglementaire, seule la jurisprudence administrative précise certaines règles, surtout relatives à l’objectivité des enquêteurs. Elle permet à l’autorité territoriale de se créer une conviction sur des éléments potentiellement illégaux ou fautifs qui lui sont rapportés. L’enquête administrative peut être un préalable indispensable au registre disciplinaire ou pour octroyer la protection fonctionnelle. NB1 : Pour des facilités de compréhension, lorsque cet article évoque le régime disciplinaire (ou registre disciplinaire), il fait allusion à la volonté de sanctionner l’agent. Il faudra veiller à ne pas y inclure la saisine obligatoire du conseil de discipline dans le cadre d’un licenciement pour insuffisance professionnelle. II. La construction de l’enquête administrative pour des faits relevant du harcèlement moral (régime de preuve), l’instruction de la conviction de l’administration. Un fait de harcèlement moral peut donner lieu à la manifestation de plusieurs juridictions, celui-ci étant aussi pénalement répréhensible, en plus du régime disciplinaire. Un point qu’il est intéressant de détailler est alors celui du régime de la preuve qui n’est pas le même entre le régime disciplinaire et le régime juridique. En effet, dans le cadre disciplinaire, l’autorité territoriale doit se former une conviction sur la véracité du harcèlement (ou à défaut des carences managériales) pour pouvoir sanctionner l’auteur des faits. C’est ce que rappelle le Conseil d’Etat en 2022 [ 1 ] en estimant que le régime disciplinaire, donc le conseil de discipline lorsqu’il est saisi, ou à défaut l’autorité territoriale doit se forger une conviction sur l’existence du harcèlement. Cela permettrait ainsi à l’administration d’échapper au formalisme des preuves dudit harcèlement, lui offrant ainsi une liberté sur ses estimations. A l’inverse, quand les faits présumés de harcèlements sont portés devant les juges, la charge de la preuve suit un formalisme particulier et est partagée entre l’agent et l’administration, et donc, dans le cas présent, le manager. « Considérant d’une part qu’il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement ; qu’il incombe à l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu’il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d’instruction utile » [ 2 ]. La conclusion est intéressante puisqu’on demande à l’administration de pouvoir justifier devant les juges, de ses choix dans sa gestion du personnel en se basant sur des faits mais aussi des ressentis énoncés par l’agent se sentant victime de harcèlement moral. Le but de l’enquête administrative, dans le cadre d’un harcèlement moral d’un supérieur vers ses subordonnés, a un double objectif : elle doit permettre de vérifier que les faits remontés par les agents ont une réalité pour que l’autorité territoriale puisse accorder ou non la protection fonctionnelle, mais elle doit surtout permettre d’établir un caractère fautif. Pour rappel, le caractère fautif, ou plutôt la volonté de nuire, n’est pas nécessaire pour qualifier un harcèlement moral. Cependant, il sera déterminant pour connaître les moyens d’actions dont dispose la collectivité à l’encontre de l’auteur des faits. En effet, l’enquête administrative peut aussi conclure que le harcèlement moral n’existe pas, mais il faudra alors que l’autorité territoriale soit prudente en forgeant son opinion attendu aux aménagements de preuve relatif au harcèlement moral émanant du Conseil d’Etat [ 3 ] (si la victime portait son cas devant la juridiction) : « Considérant d’une part qu’il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement ; qu’il incombe à l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu’il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d’instruction utile ». III. Le harcèlement moral susceptible de relever du régime disciplinaire. Le régime disciplinaire est la réponse traditionnelle appliquée en interne par l’autorité territoriale aux auteurs de harcèlement. C’est d’ailleurs ce qui est rappelé dans la Question écrite n°13166 relative à la « Nature et gravité de la sanction visant les auteurs de harcèlement moral prévue à l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligation des fonctionnaires » cet article ayant été transposé par les articles 133 du code de la fonction publique. Il ressort de ce texte que « les sanctions encourues s’inscrivent donc dans une échelle graduée, de la même manière que les peines qui peuvent également être infligées aux agents publics auteurs d’actes de harcèlement moral au titre des infractions pénales ». En l’état actuel du droit, l’article L133-3 est ainsi rédigé : « Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l’appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un agent public en raison du fait que celui-ci : 1° A subi ou refusé de subir les faits de harcèlement sexuel mentionnés à l’article L133-1, y compris, dans le cas mentionné au 1° de cet article, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés, ou les agissements de harcèlement moral mentionnés à l’article L133-22° A formulé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces faits ou agissements 3° Ou bien parce qu’il a témoigné de tels faits ou agissements ou qu’il les a relatés ». Jusqu’au 1er septembre 2022, le même texte comportait cette disposition en plus : « Est passible d’une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou enjoint de procéder à ces faits ou agissements ». Ainsi, le recours au régime disciplinaire des agents publics se rendant coupable de harcèlement semblait évident et comme la réponse adéquate jusqu’en 2022. Cependant, il est établi que la responsabilité disciplinaire d’un agent public ne peut être engagée que si ce dernier a commis une faute. Il n’existe pas de définition légale de la faute disciplinaire. Cette notion nécessite néanmoins que l’acte découle de la mauvaise volonté délibérée de l’agent, en opposition avec son inaptitude à accomplir ses missions. Ce critère de mauvaise volonté n’est pas nécessaire dans la reconnaissance du harcèlement moral, du fait que la loi ne comporte aucune exigence d’une intention de nuire pour établir un délit de harcèlement moral . C’est d’ailleurs l’objet de la jurisprudence de la Cour de Cassation [ 4 ] qui dès 2009 mentionnait que la dégradation des conditions de travail pouvait résulter ou non d’une intention de nuire. Enfin, il faut préciser que la qualification de harcèlement moral n’est pas nécessaire pour que le volet disciplinaire soit utilisé à l’encontre d’un management toxique. C’est le cas qui a été soulevé par la CAA de Versailles [ 5 ] qui précise que le comportement autoritaire d’un agent à l’égard de ses subordonnés peut justifier une sanction disciplinaire, sans pour autant constituer des faits de harcèlement moral. De plus, nous rappelons la notion jurisprudentielle relative à la conviction de l’autorité disciplinaire. Dans le cas présenté, la décision de licenciement prise par l’employeur avait été considérée comme disproportionnée. Il était question de contrôle excessivement étroit de ses collaborateurs qui a conduit à un climat de travail dégradé et qui excède les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, d’usage excessif des messages électroniques et de relances systématiques des agents à des intervalles très réduits. Il est alors démontré que même sans intentionnalité de nuire et sans harcèlement moral, le régime disciplinaire peut sanctionner un manager pour ses pratiques. La question que nous nous posons néanmoins relève, de fait, du caractère fautif de l’agent. En effet, l’entrave au bon fonctionnement du service peut revêtir un caractère fautif, mais il pourrait davantage être question d’insuffisance professionnelle attendu de l’incapacité objective et durable de l’agente à exécuter de façon satisfaisante l’emploi qui relève de son cadre d’emploi [ 6 ]. La frontière entre le disciplinaire et l’insuffisance professionnelle est particulièrement mince, mais il ressort que la mauvaise volonté revêt un caractère fautif, donc punissable, même si elle crée une « insuffisance professionnelle ». Un autre arrêt nous permet d’affirmer que cette ambiguïté est présente même au sein des juridictions. Notamment pour la question des défaillances dans le management [ 7 ]. Le juge précise : « qu’ils pourraient également relever de l’insuffisance professionnelle, de tels agissements, qui caractérisent des manquements de l’intéressée aux obligations qui lui incombent, présentant un caractère fautif justifiant qu’une sanction disciplinaire lui soit infligée ». Ces jurisprudences nous permettent d’établir que le régime disciplinaire pour les carences managériales, relevant ou non du harcèlement moral, restent pour l’autorité une question de manquement personnel du manager et peuvent être résolues par des sanctions. Ce biais réside dans le fait que l’employeur préfère transférer la responsabilité d’un management autoritaire, quand bien même pourrait-il être qualifié de harcèlement moral, sur le manager plutôt qu’en prenant une part de responsabilité dans le recrutement et donc dans les pratiques du manager. Cependant, le régime disciplinaire appliqué à un manager n’est pas sans conséquences sur son leadership, sa crédibilité devant les agents qu’il encadre, et ainsi la continuation de ses missions dans les meilleures conditions. IV. Le harcèlement moral sans intentionnalité de l’auteur. Dans le cas où l’enquête administrative pointe un potentiel harcèlement moral sans intentionnalité de l’auteur des faits, le recours aux sanctions semble hors de propos attendu qu’à l’inverse de la faute, l’insuffisance professionnelle consiste en l’incapacité à exercer les fonctions correspondant à un grade par rapport aux capacités que l’administration est en droit d’attendre d’un fonctionnaire de ce grade. Le harcèlement moral sans intentionnalité de l’auteur semble répondre davantage à l’insuffisance de compétence managériale, d’où la plus-value de se questionner sur les motivations de l’harceleur même si elles ne sont pas considérées pour constituer des faits de « harcèlement moral ». On peut donner des exemples de harcèlement moral qui sont imputables à de la méconnaissance ou de l’inattention tel que des modifications dans l’emploi du temps d’un salarié sans nécessité [ 8 ] ou dans un autre cas d’espèce, des dysfonctionnements managériaux matérialisés par un encadrement inadéquat ayant eu pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail [ 9 ]. Cette responsabilité sans faute dans le cadre du harcèlement doit encore s’instaurer dans la culture territoriale mais sa prise en compte est déjà actée puisque jusqu’au 1er septembre 2022, l’article 133-3 du Code général de la fonction publique, et c’était la même écriture pour la loi dite « Le Pors », avait cette disposition en plus : est passible d’une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou enjoint de procéder à ces faits ou agissements. Cette partie a été supprimée, permettant ainsi d’apprécier un caractère fautif ou non de l’auteur. Il en découle donc que pour l’administration, l’un des objets principaux de l’enquête administrative n’est plus de savoir s’il y a harcèlement moral, mais bien si ce dernier est volontaire ou non. Plutôt que la question sur une faute ou une volonté délibérée, c’est la question des compétences de l’agent harceleur qui va donc devoir être centrale : si c’est volontaire, le régime disciplinaire pourra être engagé à l’encontre de l’agent, par contre si c’est involontaire, il est question d’insuffisance professionnelle. La question intéressante est de savoir si la pratique découle d’une carence managériale qui crée un management toxique. Si c’est le cas l’agent peut être tenu responsable des carences. Ainsi, il faut s’intéresser aux obligations de l’administration en matière d’entretiens annuels, d’évaluation des compétences, de respect des cadres d’emplois et de recrutement. C’est dans ce sens qu’en 2022 [ 10 ] le Conseil d’Etat confirme le licenciement d’un responsable de police municipale, sur le fondement de son insuffisance professionnelle. Cependant, comme l’attestent plusieurs agents du service, ce dernier adressait des remarques humiliantes à ses collaborateurs, était auteur d’un management particulièrement directif, sans consignes claires, générant un sentiment d’insécurité, une perte de confiance et d’estime de soi chez les agents. Un agent du service a même été placé en arrêt maladie pour un syndrome anxiodépressif en relation avec son activité professionnelle et a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle. Or, ces faits semblent pouvoir relever de la qualification de harcèlement moral et son auteur, d’une sanction disciplinaire. Néanmoins, en l’espèce de la décision du 25 octobre 2022, le chef de service, directement responsable d’une désorganisation de son équipe, d’une mauvaise ambiance, voire du départ de certains agents ou de leur placement en arrêt maladie, a pu être considéré comme n’exerçant pas les missions dévolues à son corps et ainsi faire l’objet d’un licenciement pour insuffisance professionnelle. Le licenciement pour insuffisance professionnelle [ 11 ] peut se caractériser par des carences managériales de nature à compromettre le bon fonctionnement du service alors même que les compétences techniques de l’agent ne sont pas contestées. C’est ce qui ressort d’un arrêt du Conseil d’Etat [ 12 ] dans lequel l’employeur territorial avait, à raison, pu se baser sur l’incapacité de son agente occupant le poste de directrice de la culture à développer des relations de travail adéquates avec ses équipes, ce qui était susceptible de compromettre le bon fonctionnement du service, sans même que ne soit remis en question les compétences techniques de l’agente en question. Néanmoins, le Conseil d’Etat [ 13 ] insiste sur le fait que pour que l’argument de l’insuffisance professionnelle soit retenu par l’employeur, il faut, et c’est logique, que le grade (ou les fonctions) occupées par l’agent comprennent lesdites aptitudes managériales nécessaires. Ce cas fait référence à un agent de catégorie B qui avait vu son licenciement prononcé par sa collectivité au motif de ses manquements managériaux (difficultés relationnelles avec certains agents, difficultés dans les relations au travail susceptible de compromettre le bon fonctionnement du service). Le Conseil d’Etat avait alors estimé que les fonctions d’encadrement n’étaient pas essentielles à la catégorie d’emploi de l’agent. L’autorité territoriale s’était pourtant fondée, entre autres, sur la dégradation RPS via un rapport d’analyse externe. Nous nous rendons alors compte d’un paradoxe, le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un agent public ne pouvant être fondé que sur des éléments révélant l’inaptitude de l’agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, le registre disciplinaire [ 14 ] sera alors privilégié pour le cas précédemment exposé alors que c’est l’administration qui est en partie fautive, et alors que le harcèlement moral peut être supposé sur le fondement des RPS. En effet, avec les moyens de preuves simplifiés dans le cadre disciplinaire, en se basant sur la conviction de l’autorité disciplinaire, donc en échappant au régime juridique de la preuve (pour rappel que l’ agent se sentant harcelé doit fournir les éléments allant dans ce sens et qu’il revient à l’administration de prouver que cela ne rentre pas dans du harcèlement), nous sommes en droit de penser que ce fonctionnement interne va minimiser le rôle du choix de recrutement qui est à l’origine du problème et ainsi ausculter le caractère involontaire du harcèlement du manager. L’impartialité de l’employeur peut donc être remise en question, ce dernier revêtant une responsabilité dans le harcèlement et en plus de perdre un cadre, qui pourrait lui-même se sentir harcelé par l’administration et ses agents. Elle préférera donc le moyen de la sanction. En matière de responsabilité de l’employeur, c’est d’ailleurs ce que rappelle le Conseil d’Etat [ 15 ] : « Le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l’agent auquel il est reproché d’avoir exercé de tels agissements et de l’agent qui estime avoir été victime d’un harcèlement moral pour apprécier la réalité du harcèlement ». En revanche, si le harcèlement moral est vraiment caractérisé, la faute de la victime ne constitue pas pour l’employeur public une cause d’exonération de sa responsabilité. Dans le cadre du harcèlement moral qui relève de l’incompétence, nous voyons donc que l’impartialité de l’administration peut être remise en cause, que cette dernière aura tout intérêt à utiliser le régime disciplinaire, pour essayer de transférer, même arbitrairement, la responsabilité de la dégradation des conditions de travail sur une autre personne qu’elle. Il faut donc retenir pour le cas particulier du harcèlement moral sans intentionnalité de l’auteur qu’il est préférable, avant d’avoir recours au licenciement pour insuffisance professionnelle, de proposer des formations au management aux agents ayant des fonctions d’encadrement. Cette proposition de formation, si elle est refusée par l’intéressée ou si elle n’a pas d’effets, permettrait de justifier les critères de son insuffisance. De plus, elle permet d’en sortir deux plus-values : la crédibilité du manager est moins impactée comparé à l’usage des sanctions (nous rappelons que cela vaut uniquement dans ce cadre de non intentionnalité de nuire), et elle peut, si liée à l’autres dispositions, faire partie des moyens d’attribution de la protection fonctionnelle pour les agents se sentant harcelés. Ce cadre du harcèlement moral involontaire d’un manager aurait intérêt à être encadré tant les conséquences sur l’harceleur sont différentes. Prenant acte de la portée de l’arrêt du conseil d’Etat relatif au régime de preuve propre, au régime disciplinaire et à l’autorité territoriale [ 16 ], nous pouvons encourager, dans ce cadre interne, qu’un terme spécifique soit employé dans ce cas précis de harcèlement managérial involontaire, tel que : harcèlement moral organisationnel , attendu que c’est l’administration qui a choisi un manager qui n’a pas les bonnes compétences. La déontologie nous invite à renvoyer la responsabilité des griefs soulevés aux responsables, en partageant ladite responsabilité entre le manager et la collectivité employeuse. De plus, le harcèlement institutionnel devient particulièrement empreint de conflit d’intérêts dans sa reconnaissance, attendu que l’administration doit admettre elle-même sa faute. Pour finir, la reconnaissance du harcèlement moral (organisationnel) se développant de plus en plus, il est très probable que l’insuffisance professionnelle prenne le pas sur le régime disciplinaire. NB2 : Le harcèlement moral organisationnel serait à ne pas confondre avec le harcèlement moral institutionnel qui a été reconnu et créé par la Cour d’Appel de Paris suite à l’affaire France Télécom et qui se traduit par un harcèlement moral à l’échelle de l’entreprise entière. Est ainsi visé le mode de gestion toléré, encouragé ou systémique relevant du harcèlement managérial, harcèlement moral entre collègues (même sans différence de niveau hiérarchique), et autres formes de violences. NB3 : Le harcèlement moral organisationnel ne serait pas non plus à confondre avec le harcèlement managérial, qui, bien que similaire, méconnaît le caractère volontaire ou involontaire qui en découle. Issu principalement du secteur privé ou le management revêt un caractère plus professionnel que dans la fonction publique où son questionnement reste relativement récent et non susceptible de rentrer dans la notion de harcèlement moral organisationnel présentée, attendu que son champ relevant davantage des techniques managériales délibérées que de l’incompétence involontaire du manager. [ 1 ] Conseil d’Etat, 2 mars 2022, n°444556. [ 2 ] Conseil d’Etat, Section 11 juillet 2011, n°321225 et Conseil d’Etat 25 novembre 2011, n°353839. [ 3 ] Conseil d’Etat, Section 11 juillet 2011, n°321225 et Conseil d’Etat 25 novembre 2011, n°353839 [ 4 ] Cass. Soc 10 nov 2009. [ 5 ] Arrêt n° 19VE01849-20VE00140 du 21 janvier 2021. [ 6 ] Cass. Soc. 22 sept. 2021 n° 19-22166. [ 7 ] CAA Marseille 20MA02501 du 10 novembre 2021. [ 8 ] Cass. Soc. 02 mars 2011, n°08-43-067. [ 9 ] Cass. Soc, 10 novembre 2009, 07-45-321. [ 10 ] Conseil d’Etat 20 mai 2016 n°387105. [ 11 ] Ou plutôt l’insuffisance managériale. [ 12 ] Conseil d’Etat 20 mai 2016 n°387105. [ 13 ] Conseil d’Etat 20 juillet 2021 n°441096. [ 14 ] Pour apporter une sanction. [ 15 ] Conseil d’État, Section du Contentieux, 11 juillet 2011 n°321225. [ 16 ] Précédemment cité, CE, 2 mars 2022, n°444556.
- Vers le besoin d’une charte déontologique pour les enquêteurs administratifs : proposition du document à adopter.
La nécessité d’une charte de déontologie pour les enquêteurs administratifs émerge au sein des collectivités, offrant un cadre clair et complet sur les principes et obligations déontologiques. Alors que diverses professions disposent déjà de codes déontologiques, l’enquête administrative reste peu encadrée légalement, laissant à l’autorité territoriale la latitude de décider des conduites à adopter. Dans ce contexte, l’absence de directives claires peut compromettre l’intégrité des enquêtes et l’image de l’Administration. Afin de remédier à cette lacune, la proposition d’une charte de déontologie spécifique aux enquêteurs internes vise à sensibiliser ces derniers à leurs responsabilités et à assurer des enquêtes menées avec impartialité, objectivité, et professionnalisme. La charte qui est proposée énonce les principes essentiels guidant la conduite des enquêteurs, renforçant ainsi l’intégrité et la crédibilité des enquêtes administratives au sein des collectivités locales. - I) Vers le besoin d’une charte de déontologie pour les enquêteurs administratifs (ou internes). La charte de déontologie (ou code de déontologie) a pour objectif de fournir à une collectivité et à ses agents un document clair et complet sur les principes et obligations déontologiques auxquels la structure et ses effectifs sont soumis. Pour la HATVP, ce document doit être facilement identifié et utilisable par l’ensemble des agents et, le cas échéant, des élus. Une charte de déontologie permet d’offrir un référentiel unique auquel tout membre d’une organisation peut se rapporter pour son action quotidienne. Elle permet de surcroît d’harmoniser les règles et les pratiques au sein de l’administration. La charte de déontologie peut, au besoin, revêtir un caractère plus fin, avec une version par profession plutôt que par collectivité. C’est d’ailleurs plus proche de la définition du terme “déontologie” qui se traduit par “ l’ensemble des règles et des devoirs régissant une profession" [ 1 ]. Le code de déontologie vise donc à définir et indiquer la conduite correcte dans le cadre de l’exercice d’une profession. Ces codes existent déjà pour diverses catégories de professions telles que les médecins, les psychologues, les infirmiers, les policiers et les gendarmes, les avocats et nouvellement les notaires et les commissaires de justice … Ils revêtent une importance cruciale dans ces domaines, car le non-respect de leurs dispositions, notamment lorsqu’un ordre est institué, peut entraîner des conséquences pouvant aller jusqu’à la suspension ou la perte du droit d’exercer la profession, en plus des conséquences juridiques habituelles. Pour ce qui est de l’enquête administrative, il n’existe aucune contrainte légale ou réglementaire en imposant une conduite particulière, comme l’ont confirmé la Cour administrative d’appel de Paris dans l’affaire M. B. A. du 18 mars 2022 [ 2 ]. En effet, c’est au pouvoir discrétionnaire de l’autorité territoriale compétente de décider la conduite d’une enquête administrative, si elle le juge nécessaire, opportun ou utile dans les circonstances données. Ainsi, seule cette autorité peut prendre l’initiative. L’enquête administrative peut avoir une vocation aussi vaste que la liberté d’organisation qui lui est offerte, avec notamment l’engagement d’une procédure disciplinaire à l’encontre d’un agent, ou inversement en vue de l’octroi de la protection fonctionnelle ou l’établissement de la matérialité des faits et des circonstances des signalements (dans le cadre du dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes). Les modalités de réalisation d’une enquête administrative (ou interne) sont très peu encadrées et seule la jurisprudence nous permet de définir des grands principes, notamment sur les thèmes de l’impartialité et loyauté de l’enquête, de l’absence de principe du contradictoire, du secret et de la discrétion professionnelle. Pour aller plus loin sur ces principes nous pouvons conseiller la lecture du “vade mecum de l’enquête administrative” réalisé par le CDG 31 [ 3 ] . Toute l’enquête repose néanmoins sur le respect de ces principes, sous peine, le cas échéant, de nullité des procédures ultérieures engagées. L’autorité territoriale jouit d’une grande latitude dans le choix de l’enquêteur ou de la mission d’enquête, avec une restriction unique : celle de ne pas confier cette responsabilité à une personne manifestant une animosité personnelle envers l’agent concerné. Ainsi, l’enquêteur n’est pas toujours assez formé aux pratiques d’enquête pour exercer dans le respect des obligations déontologiques qui pèsent sur lui, le statut d’enquêteur n’étant pas une profession mais une mission ponctuelle… Néanmoins, au vu des enjeux cruciaux, notamment pour l’image de l’administration, et du manque d’encadrement légal de l’enquête administrative, il est nécessaire de promouvoir la mise en place d’une charte de déontologie à vocation des enquêteurs internes. L’utilité de la charte sera de faire prendre conscience aux enquêteurs du rôle qu’ils occupent, et des obligations et principes déontologiques que l’exercice de la mission d’enquête implique. Ainsi, cette charte est proposée et a été conçue pour leur permettre d’adopter le bon comportement, en trouvant le ratio entre exhaustivité et concision. Il est aussi préférable d’imposer aux intéressés de la signer avant le commencement de la mission. II) Proposition de la charte à faire adopter. Charte de déontologie des enquêteurs internes (ou administratifs)(Avril 2024) Avant-propos. En tant qu’enquêteurs administratifs, nous nous engageons à respecter les plus hauts standards déontologiques et professionnels dans l’exercice de nos fonctions. Cette charte de déontologie vise à guider notre conduite et à assurer l’intégrité, l’impartialité, l’indépendance et la probité pour s’assurer de la justesse de nos conclusions d’enquête. Nous reconnaissons que notre rôle revêt une grande responsabilité, que notre plus-value réside dans notre objectivité, et nous nous engageons à agir avec loyauté envers toutes les parties concernées. Dans cet objectif, nous nous engageons à respecter les articles suivants : Article 1 - L’enquêteur agit avec impartialité. (1) L’enquêteur veille à ne pas être en conflit d’intérêts. Pour rappel : constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction. L’enquêteur veille à ne pas avoir de relations personnelles avec les personnes dans le champ de l’enquête, qu’elles soient auditionnées ou commanditaires. (2) L’enquêteur veille à ne pas avoir de préjugé et à ne pas favoriser une des parties. En ce sens, il accorde une attention égale à toutes les preuves et témoignages pertinents qui lui sont fournis. Article 2 - L’enquêteur agit avec objectivité. L’enquêteur veille à ne pas défendre les intérêts de son mandataire ou du mis en cause par l’enquête. Ainsi, l’enquête administrative ne peut être réalisée à charge ou à décharge. L’enquêteur veille, dans sa méthodologie, à faire transparaître une unique vérité, celle obtenue uniquement par les moyens de l’enquête. L’enquêteur s’engage à ne pas orienter les questions en fonction des auditionnés. La méthodologie d’enquête est établie en amont de sa réalisation pour supprimer tout risque de parasitage par une influence personnelle ou externe. L’enquêteur peut, le cas échéant poser des questions ciblées, dans l’unique objectif de faire la lumière sur des points et non pour piéger, tant que cette pratique reste marginale. Les objectifs de l’enquête doivent être établis en premier lieu de l’enquête et l’enquêteur les porte préalablement à la connaissance des auditionnés. Article 3 - L’enquêteur agit avec loyauté. (1) L’enquêteur ne saurait instruire son enquête avec des éléments reçus de façon déloyale. Ainsi, il ne peut aiguiller ses questions pour piéger les auditionnés. (2) L’enquêteur administratif s’engage à auditionner ou recevoir les éléments de toutes les personnes pouvant faire la lumière sur des points de l’enquête. Article 4 - L’enquêteur retranscrit avec fidélité les éléments énoncés. L’enquêteur s’engage à retranscrire le plus fidèlement possible les propos des auditionnés dans les procès-verbaux (ou les comptes rendus). Article 5 - L’enquêteur respecte le secret professionnel et la discrétion professionnelle. (1) L’enquêteur veille à ne pas informer les auditionnés des témoignages reçus. En ce sens, il ne confronte pas un auditionné avec le témoignage d’un autre. (2) Dans son rapport, l’enquêteur s’engage à ne divulguer que les renseignements nécessaires à instruire l’enquête et à la justification de la conclusion (exception faite de l’application de l’article 40 du code de procédure pénale).(3) L’enquêteur s’engage au respect du RGPD (Règlement général sur la protection des données).(4) L’enquêteur ne transmet son rapport qu’à l’autorité territoriale compétente.(5) L’enquêteur veille, si le représentant de l’autorité territoriale est mis en cause par les auditionnés de l’enquête, à ne transmettre leur rapport qu’à son représentant dûment désigné. Article 6 - L’enquêteur agit avec professionnalisme et réactivité. L’enquêteur maintient des normes élevées de professionnalisme dans toutes nos interactions, en faisant preuve de courtoisie, de respect et de diligence dans l’exercice de ses fonctions.Conscient des enjeux de l’enquête administrative et des délais qui y sont associés, il agit avec rapidité. Article 7 - L’enquêteur fournit un rapport de qualité. L’enquêteur fournit des rapports complets, précis, et dont la conclusion est claire. Article 8 - La constatation d’incompétence. Lorsqu’un enquêteur n’est pas en mesure de garantir la bonne application des articles précédents, il le fait savoir au commanditaire de l’enquête pour que lui soit trouvé un remplaçant. Article 9 - Le maintien de la continuité du service public. L’enquêteur s’engage, par son comportement et sa méthodologie, à ne pas interférer avec la bonne organisation des services, étant conscient de l’importance qu’est la continuité du service public. Article final. En adhérant à cette charte de déontologie, nous nous engageons à promouvoir une culture de responsabilité et d’intégrité au sein de notre fonction, et à servir avec dévouement et engagement les intérêts de la fonction publique et de ses agents. [ 1 ] Définition du dictionnaire Larousse : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/d%C3%A9ontologie/23671 [ 2 ] n° 21PA01779 ; ou plus anciennement le Conseil d’État le 23 novembre 2016 [ 3 ] https://www.cdg31.fr/sites/default/ ..
- RDA Cumul dans FPH
Le 18 mars 2024 Monsieur, Agent du centre de gestion X, vous me demandez des informations sur la possibilité de cumuler, pour un agent de la fonction publique hospitalière, une fonction exercée à temps plein avec une activité libérale lucrative sans l’accord de la direction de l’établissement. Les dispositions du code général de la fonction publique sur le cumul d’activités (articles L 123-1 à L 123-10 ), auxquelles je vous renvoie, s’appliquent aux agents publics des trois versants de la fonction publique. En application de l’article L 123-7, l’agent public ne peut cumuler une activité libérale avec ses fonctions. Le cumul d’une activité accessoire est soumis à l’autorisation de l’autorité hiérarchique et ne peut être autorisé que si cette activité est exercée auprès d’une personne ou d’un organisme public ou privé et être au nombre des activités limitativement énumérées à l’article 11 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020. Pour pouvoir exercer une activité libérale en cumul avec ses fonctions, l’agent qui occupe un emploi à temps complet doit demander à son autorité hiérarchique l’autorisation d’accomplir un service à temps partiel dans les conditions et pour la durée prévue à l’article L 123-8. Les sanctions en cas de non- respect des dispositions sur le cumul d’activités sont prévues à l’article L 123-9 (poursuites disciplinaires éventuelles et remboursement des sommes perçues) Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.
- RDE Cumul comité de pilotage de l’action sociale et CNAS
Monsieur le Président Vous m’avez interrogé sur la situation, au regard des principes déontologiques, d’une personne qui est membre du comité de pilotage de l’action sociale de votre centre en tant que représentante des collectivités, mais qui est aussi représentante du Comité national d’action sociale ( CNAS), organisme concurrent. En tant qu’élue locale, cette personne doit, dans toutes les activités liées à son mandat, veiller à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts, en application de la charte de l’élu local, et le conflit d’intérêts s’entend, au sens de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013, de « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ». La responsabilité de mettre fin immédiatement à une situation de conflit d’intérêts incombe à l’élu local lui-même, qui peut demander conseil au référent déontologue de l’élu local. A titre d’information, on peut se référer à la doctrine de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique établie à la suite de ses avis rendus les 3 mai et 29 novembre 2022. En l’espèce les intérêts en présence sont l’intérêt du CNAS, association de la loi de 1901 et l’intérêt public porté par le Centre de gestion. Dans son avis du 3 mai 2022, la Haute autorité se prononce sur la situation des élus participant aux instances d’une association Le simple fait qu’un élu soit adhérent d’une association ne constitue pas, à lui-seul, un intérêt personnel suffisamment important pour justifier des déports systématiques. Il faut dès lors se livrer à une analyse au cas par cas. En revanche la participation d’un élu aux instances d’une association constitue un intérêt susceptible d’interférer avec l’exercice indépendant, impartial et objectif de son mandat lors du vote d’une délibération portant sur cette association. Une telle participation, que ce soit à titre personnel ou sur désignation de la collectivité, même sans rémunération associée, nécessite en principe la mise en œuvre d’un déport de toute délibération concernant l’association. Il en résulte que si la personne en cause fait partie de l’instance départementale du CNAS (vous n’avez pas répondu à ma demande de précisions adressée par courriel du 26 février), le risque de conflit d’intérêts existera lors de toute décision du comité de pilotage susceptible de concerner les activités du CNAS. La Haute autorité pour la transparence de la vie publique recommande le déport général pour l’élu qui participe à tout organisme de droit privé (notamment les associations) lorsque la désignation n’est pas en application de la loi. Restant à votre disposition pour toutes informations complémentaires, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées.


